— Moi je vous dis que c’esl de la graine de putain, grommela 
Edmond en allumant son cigare ; si vous voulez éviter des acci 
dents, mariez-là. Elle finira par faire la noce ; elle ne respecte 
personne. 
— Anna lit beaucoup, continua la mère, je n’ai jamais aimé cela ; 
mais on dit qu’elle comprend les choses avec tant de facilité. 
— Elle ne comprend pas ce qu’il faudrait comprendre ; je ne 
suis pas érudit, Dieu merci, et Louise encore moins ; ne sommes- 
nous pas un honnête et respectable ménage ? Qu’Anna épouse son 
Marcel, un professeur, un malin comme elle, mais qui ne se fait 
pas mille francs par mois. Avant huit jours, ils se tortureront 
l’un l’autre ; — votre kirsch est excellent maman. — Je n’ai 
pas de licence, mais, foutre, je prétends rendre ma femme heu 
reuse, moi 1 » 
Oh ! oui, dit docilement Louise. 
Anna, ayant fermé la porte, avait couru au salon ; elle se jeta 
sur le piano et le martela en poussant des cris inarticulés ; puis 
die se calma, joua une sonate de Beethoven, qu’elle entrecoupa 
d’accords de jazz-band. Appliquée, elle se donna ensuite beaucoup 
de mal pour reprendre la même sonate, en remplaçant les presto 
par des lentissimo, et les dolce par des fortissimo. Elle cria : 
« Un imbécile me jugerait détraquée ; un amour et des parents 
expliquent bien des choses. Mon beau-frère me répugne et l’ar 
tilleur avait de belles dents. J’aime Marcel ; d’ailleurs, Beetho 
ven supporte le jazz-band ; je me l’adapte ! Jamais je n’ai pu 
goûter une harmonie sans dissonances : — et je souhaite bien ne 
pas être heureuse toute ma vie. Aussi bien, j’aime, je suis perdue ; 
c’est Vénus tout entière... Je me décoiffe en gesticulant... c’est 
Vénus tout entière à sa proie attachée. Je pense que j’aurais 
réussi ail théâtre ; mais je me joue la comédie à moi-même : 
quoi de plus amusant. » 
{Anna s’installa posément dans un fauteuil, caressa ses bas de 
soie : 
•[« Mon bon sens m’effraye; la raison qui déraisonne est celle 
qui va le plus loin. Une bête qui a de la culture est paradoxale. 
Or, j’aime et je pense. Etre paradoxale : triste. Nourrie du vieux 
suc des auteurs bien français, je ne puis me découvrir que clas 
sique. Mais quelle drôle de forme a pris mon classicisme. La pous 
sière blanchissait les bottes de l’artilleur, mais j’aime en lui 
Marcel ; — mais j’aime en eux... charmante bête, et forte, qui 
connaît ses désirs et peut ainsi les mieux fausser. Je suis une 
belle et pure figure de jeune fille.
	        
Waiting...

Nutzerhinweis

Sehr geehrte Benutzerin, sehr geehrter Benutzer,

aufgrund der aktuellen Entwicklungen in der Webtechnologie, die im Goobi viewer verwendet wird, unterstützt die Software den von Ihnen verwendeten Browser nicht mehr.

Bitte benutzen Sie einen der folgenden Browser, um diese Seite korrekt darstellen zu können.

Vielen Dank für Ihr Verständnis.