L’ŒUF DUR 
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MATHIAS LÜBECK 
Une Poignée de Romans 
Le Satyre de la place Malesherbes 
Pedro regarda Maria fixement avec un sourire de myope 
(lui qui était hypermétrope !) et lui tailla une basane. Puis 
avec un ahan de cheval, jeta sa besace sur son épaule et ouvrit 
la porte : « Espéra èn Bios, hombres y senoras. » Tant de paisible 
insolence affola Maria. Prenant sur la table un couteau, une 
assiette, un verre, n’importe quoi, même une carte à jouer 
(c’était le sept de carreau), s’agrippant fébrilement aux chaises 
elle se précipita vers la porte. Lançant à la face du mâle tout 
ce qu’elle tenait à la main, elle se jeta à ses pieds, se traîna 
sur les genoux et en pleurant d’une voix rauque, supplia : 
« Prends-moi, Pedro le Maltais, prends-moi, je suis vierge. » 
Mais elle s’aperçut que Pedro était mort. Le couteau à pain lui 
avait frappé la clavicule, avait glissé dessus et avait tranché net 
l’artère sous-clavière à l’endroit où celle-ci se subdivise pour 
alimenter à la fois le cou et l’épaule droite. Il la regardait main 
tenant avec des yeux blancs d’aveugle. Du reste Maria avait 
menti, elle n’était plus vierge depuis son mariage qui datait de 
douze ans. Pedro le savait, mais Maria avait, dans l’affolement 
qui s’empara d’elle, imaginé cette fable ou fiction poétique. 
« Ce n’était pas un mensonge, pensa-t-elle philosophiquement 
en allant rincer ses verres, puisqu’il était mort et ne l’entendit 
point. »
	        
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