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L’ŒUF DUR — lt
LEON PIERRE-QUINT
Histoire complète et authentique
de la petite Carolamille
PROLOGUE
Histoire de l'enfance, de l'adolescence
de Carolamille et de ses premiers pas dans la vie
Carolamille était la plus douce et la meilleure des petites
filles de son village.
Ses parents lui avaient donné de longs cheveux et un mari,
une dot et leur bénédiction. Elle eut des enfants, du talent,
une existence charmante et médiocre, enviée et respectée...
O Carolamille, que n’avez-vous su vivre ! Peigner votre cheve
lure et caresser votre mari ! Pourquoi avez-vous persuadé votre
bourgeoise paresse que vous étiez capable d’œuvre et d’action ?
Et pourquoi avez-vous masqué votre féminité, votre passivité,
vos impuissants désirs par une morale : indifférence et équi
valence. Vous en abusâtes comme Jupiter, Barbe-Bleue ou
Henri VIII abusèrent des femmes.
I
Comment Carolamille se libéra
de sa chevelure, de sa famille et de son village
Carolamille était la plus douce et la meilleure petite fille de
son village.
— A quoi bon être meilleure, dit-elle en sortant du lit de
son mari ?
Et elle s’avança vers une glace où elle crut que ses cheveux
blonds avaient foncé.
— Tous les cheveux blonds foncent, dit-elle. Blonds ou
bruns, qu’importe. De même longs ou courts. Courts, ils seraient
peut-être très beaux, et je deviendrai célèbre. Et si je ne le