L’ŒUF DUR — lâ
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de toutes parts, des foudres obscènes et du centre des comportes.
Elles posent leurs cuisses à plat sur l’argile froide, et un air
aromatique et rose enveloppe leurs têtes et leur moelle épinière.
Choléra brode un pantalon crème, vide et empli de chair, tout
gonflé d’allusions et d’évocations. Soudain, Alice interrompt
sa dentelle et Corne se regarde les ongles. L’odeur du vin suinte
de toutes parts, trouble et forte. Alice et Corne roulent au milieu
des fûts d’alcool. Un spectre incendiaire flotte au-dessus de
l’entrepôt. Corne, la robe en désordre, montre à quelque tonneau
la peau pure de ses jambes. Elles jouent, toutes trois, parmi
les barriques, et ça et là on aperçoit un soupir ou une gorge.
Jeux de la discordance et de la demi-lune, à la faveur d’un
tonnelet en herbe, dans le hangar auguste ! Jeux de trois filles
pubères et vierges, jeux chastes et sans bornes, où trois cœurs
sont trois quilles, où six jambes et trente doigts cherchent sans
relâche la vérité.
Je connus Choléra en 1920, en pêchant à la ligne. J’étais assis
sur l’herbe, au bord de la Marne. Une touche !... Hélas ! Silence !
Une autre touche ! Cela sentait le vermisseau et l’aube, le goujon
et l’Eucharistie. Touches, touches ! Je pestais contre un peuplier
plein de vent, contre une libellule, contre la cloche de Charen-
tonneau. Le petit matin sentait Charenton et les tonneaux. Et
toujours ce bouchon en contact avec mon cœur ! Cette émotion
de roseau fou, de l’œil qui se fatigue et se pâme sur le bouchon !
Obsession de l’hameçon ! On s’exaspère, on rit, on pleure, on
jure ! Et soudain, sur un signe du bouchon, j’enlève un maigre
carpillon, et d’un grand coup de canne, je le lance sur.. Choléra,
sur Choléra, debout derrière moi, et qui attendait son poisson,
son destin.
Le barbillon lui a barbouillé la figure. Je m’excuse. Le barbillon
s’excuse. Elle essuie ses joues roses avec un mouchoir bleu.
Elle m’aide à déferrer le poisson. Ses mains pleines d’écailles
sont dans les miennes. Un galopin accourt en criant : Hosanna !
Le bateau-mouche accoste à Maisons-Alfort sur les instances
d’une bonniche pleine d’un gosse et de lilas blanc. Au loin,
une grue soulève l’horizon.
Petit Choléra, voici tes mains dans les miennes et les miennes
dans les tiennes ! Quel symbole que ce poisson entre nous deux
comme sur les ornements des prêtres de Jésus ! Ce jour est
beau comme un jour pascal, avec le barrage de la Marne à
l’arrière-plan, et plus près de nous, une chèvre sur la berge au
bout d’une corde qui broute, une maisonnette au nez rouge
attablée devant un demi, un plongeur cosaque, une putain et
un pont.
Depuis, je revins souvent au bord de la Marne. Je fis la