L’ŒUF DUR 
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ROBERT HONNERT 
Etude de chair : réveil 
...Max se réveilla aux environs de neuf heures ; il se sentait 
depuis quelques secondes écrasé par un corps qui n’était pas 
le sien, et, subite ent, les sensations se mirent à rentrer dans 
sa conscience encore chancelante, comme un coup de poing. 
Après une oscillation douloureuse, on recouvrait la chambre 
d’hôtel, et l’œil se retrouve accroché par le papier bleu, barré 
de larges raies d’or, qu’il avait vu, tout différent, à minuit, 
sous la double lampe électrique, en rentrant du music-hall. 
On se rappelle tout ce qui s’est passé, et l’on éprouve, devant 
ce rêve réalisé, la même sensation d’étonnement et d’écœurement 
que devant des gâteaux trop vite mangés. Depuis des mois, 
on a désiré passer la nuit avec une femme, on vient d’être secoué 
par une foule d’impressions qu’on a jalousement collectionnées, 
et l’on se découvre des paupières lourdes et des regards nou 
veaux. 
La pensée est d’abord absente ; on sait qu’elle ne tardera pas 
à se présenter ; mais on ne fait rien pour hâter son retour ; on 
fera appel à elle plus tard, pour mettre ordre dans les richesses 
qu’on est en train d’acquérir, mais on se rend confusément 
compte qu’elle gâterait tout, et, aussi longtemps qu’on le peut, 
on se contente d’être une peau, des muscles qui se ressaisissent, 
un corps, et cela est suffisamment merveilleux. 
Avant que le sommeil ne vienne, toutes les parties du corps 
étaient joyeuses, et il y trouve encore des lambeaux de joie, 
comme on voit des débris de serpentins et des lampions crevés 
sur la place publique, le lendemain d’une fête nationale ; et 
de même qu’il reste quelques lampions allumés au milieu des 
girandoles éteintes, de petits frissons de plaisir courent encore 
comme des survivances sur le corps inerte. Car le corps à peu 
près tout entier est devenu inerte ; on s’en rend compte gra 
duellement ; c’est à peine si l’on sent les draps qui effleuraient 
si délicieusement un épiderme décidé à se réjouir de tout, un 
pli de l’oreiller qui agaçait les muscles du cou, et surtout le 
corps de la femme qui semble pendant la nuit s’être vidé de sa 
chaleur et de son électricité. On passe d’abord, à cette consta 
tation, par un état neutre d’étonnement, que le souvenir des 
joies, des secousses, de toute la vie précédente transforme assez
	        
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