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ÇA IRA !
Et puisqu’il faut, si l'on veut être un cœur fertile,
lutter jusqu’au sommet des âmes idéales ;
puisqu’il faut, pas à pas, perdre l’espoir,
défendu jusqu’au souffle dernier ;
puisqu’il faut s’opposer aux désastres,
et proclamer la paix des camarades bons ;
puisqu'il faut, <— tâche noble et sacrifice fou —
boire la coupe jusqu’au fond, sans répugnance ;
nous sommes las des vents adverses,
nous sommes las de geindre trop,
nous sommes las, nous sommes morts !
Cette idée a surgi dans nos cœurs éprouvés :
partir, et mépriser les efforts inutiles,
supporter le grouillant affront des foules
et montrer nos mains maigres,
nos bras tremblants, et nos fronts pâles.
Notre devoir est accompli ; mais nous tombons,
inanimés comme des mouches prisonnières ;
mais nous cognons nos volontés enthousiastes
au recul déroutant des horizons ;
mais nous n’avons plus le courage patient
et nous cachons notre faiblesse aux indiscrets.
Pourquoi les trains ne vont-ils pas jusqu’en enfer,
emportant nos ardeurs et nos regrets ?
III.
Tu m’observes avec des yeux désabusés.
J’ai tenté, cependant, de plaire à tes vingt ans,
et si mon geste brusque a troublé ton visage,
je m’en repens avec amour, et te souris.
IV.
Sans toi, la ville est vide et ne m’attire pas.
Tu ne m’as pas tendu tes bras familiers ;
tu provoquas, par ton silence, ma douleur,
et j'appelle la nuit pour m’y perdre et gémir.