ÇA IRA !
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Et le Vainqueur jeta son arme,
— son arme ? — sa croix...
Et le Vaincu, avec des larmes
effaçait le sang de ses doigts...
Et le Vainqueur, les trous des yeux comblés d’aurore,
offrait son bras...
Et le Vaincu, tendant son poing couronné d’or
disait : “ Là-bas... „
Et les morts
autour d’eux étaient déjà la terre...
Et la lumière
montait encore... Charles PLISNIER.
Conte pour jeune fille
Au fond de ma cassette, j’ai retrouvé
la fleur de tilleul.
Te souviens-tu, Jeanne, de cette fleur
de tilleul ?
Nous étions allés dans le parc, et, au
bord de l’étang, nous avions causé. Les
deux grands cygnes, hautains et distants,
nous méprisaient de loin ; quelques
libellules curieuses frémissaient jusque
dans nos cœurs.
Ta main avait cherché la mienne ; mes
lèvres avaient pris les tiennes. Nous
nous étions aimés, dans la fraîcheur de
ce beau soir.
Nos pas égaux foulaient l’herbe rare
sans y laisser de traces. Près de la grotte
— tu te souviens, de la petite grotte,
avec ses lierres et le petit kiosque qui
la couronnait ? — près de la grotte, nous
avions frémi : son entrée noire tentait.
Lentement, nous avions contourné
les sapins ; leurs racines moussues nous
faisaient glisser. Les champs entonnaient
leur grand silence. Des sons d’angelus
passèrent. Nous nous étions rapprochés
de la grand’route, sans y prendre garde.
Et quelques voix de paysans nous arri
vèrent, qui se saluaient d'un cordial et
grave : " Bonsoir, et la compagnie ! „
Puis, l’étroit sentier, où nous allions
tous deux ensemble, serrés l’un contre
l'autre, nous avait ramenés aux saules de
l’étang. De ta raquette, tu avais taquiné
un nénuphar.
Nous avions entendu les bêlements
d’un troupeau qu’on changeait de parc,
les cris du berger et les furieux aboie
ments du chien.
Tes yeux humides cherchaient les
miens ; tes petites dents souriaient et
voulaient mordre doucement...
La cloche du dîner nous réveilla
soudain.
En passant près du tilleul — tu te sou
viens du grand tilleul, tout seul, au bord
de l’allée jaune ? — en passant près du
tilleul, tu avais saisi au vol une fleur qui
en tombait. Tu avais respiré cette fleur
et tu me l’avais donnée.
Je l’ai retrouvée ce soir... et comme
j’ai un rhume, je l’ai mise dans mon thé.
Henri MOERS.