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ÇA IRA !
voir les hommes devenir tels, ne put
jamais s’introniser. Elle procréa bien
des saints qui tâchaient personellement
de la mettre en usage, mais elle resta
toujours étrangère à la masse.
Une éthique ne s’élabore pas à priori.
Elle évolue et change avec les autres
manifestations de la vie. Quelques-uns
de ses principes faiblissent, d’autres
apparaissent, suivant les besoins de
l'heure. Jamais une règle nouvelle ne
s’est imposée, qui ne germa depuis
longtemps.
Et c’est pourquoi nous craignons que
le système de morale révolutionnaire
que construit van den Bergh van
Éysinga restera un système. Car, bien
que l’auteur se défende d’inventer des
formes nouvelles, et prétende seulement
montrer ce que les existantes devraient
devenir sous le.communisme, la marche
de sa pensée est avant tout théorique.
Il a devant les yeux son idéal de per
fection auquel devraient tendre les
hommes, et insensiblement, au fur et à
mesure que se dessine dans son esprit
le but à atteindre, il se crée des hommes
qui répondent à cette exigence, si bien
que l’homme devient chez lui Vidée de
l’homme, l’homme idéal — qui n'est pas
et ne sera jamais. Si dans un ouvrage
exclusivement philosophique nous ad
mettons l'idéalité, n’oublions pas que
l’éthique de van den Bergh van Eysinga
devrait être (dans l'esprit de l’auteur)
applicable, mais que c’est justement
cette idéalité, dans laquelle elle se
résoud, qui empêchera toujours qu’elle
rétrograde pour redevenir réalité.
Nous croyons que l’essai de van den
Bergh van Eysinga montre une fois de
plus l’inanité qu’il y a à vouloir édifier
un système de morale pour des temps
à venir. Et nous répétons ce que nous
avons écrit quelques lignes plus haut :
l’éthique met en système (par après ;
elle constate mais ne crée pas) ce qui,
à la majorité des hommes, paraît bon et
nécessaire dans leurs rapports entre
eux. Attendons donc pour parler de
révolutionnaire zedeleer que les cir
constances nous aient montré ce qu’elle
peut être.
Nous avons critiqué ce chapitre
avant d’avoir montré ce qu’il contient.
Nous tâcherons maintenant de mêler
aussi peu que possible de remarques
personnelles au résumé que nous allons
en faire.
Toutes les mythologies ont gardé le
souvenir d’une ère de bonheur, d’un
’paradis’ où les hommes vivaient heu
reux et en harmonie. Cette harmonie fut
rompue aux temps historiques. L’âpre
lutte pour l’existence amena le règne de
l’égoïsme. Puis se créèrent les classes
dominatrices qui maintenaient le peuple
sous leur joug. Ces classes (l’autocratie
asiatique, la cité antique, la féodalité, le
capitalisme) eurent leur morale. Nous
les connaissons, et surtout la 'morale
bourgeoise dans laquelle nous fûmes
élevés : “ het is een levenshouding, die
bij uitstek materialistisch en egoïstisch
is : moraal is de manier om vooruit te
komen in de waereld, drink niet,overeet
u niet, hoed u voor geslachtelijk exces,
wees zuinig, wees vlijtig, pas u aan uw
omgeving, en gij brengt het ongetwij-
feld ver „ (page 84). Elle est sans élé
vation, et si parfois elle se sert encore
des termes ’bonheur pour tous’ et
'amour du prochain’, elle ment, et ne
les emploie que pour cacher des buts