ÇA IRA !
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Si mon cœur se gonfle, que mon rire crève!
Etre affable
Louable effort
Mais si l'amour est mon faible
Ce n’est pas mon fort
Auprès de toi La Palïce
Toutes les vérités pâlissent.
Pour me consoler
Je songe aux pays vaincus
Où ils n’ont plus un clou pour se gratter le cul.
Le veilleur de nuit fait sa ronde
J'entends un roulement de voiture
Et je m’endors
Bercé par le murmure d’harmonium des moustiques.
Paul NEUHUYS.
Un livre à aimer
Mon souvenir reconnaissant aime
tous les livres que P. J. Jouve a pu-
blés depuis 1914. Pourtant après le
“ Poème contre le grand crime „ après
** Hôtel Dieu „ après le “ Livre de la
Nuit,,’ lorsque j'ai Iule ce "‘Livre de
la Grâce „ dont “ Ça Ira „ donnait en
mai dernier deux nobles fragments, je
me suis dit : “ Soit comme poète, soit
comme moraliste, Jouve vient de s’ex
primer plus complètement, plus harmo
nieusement et plus profondément que
jamais „.
Les amis des œuvres précédentes
seront tous ravis par de nombreuses
pages de celle-ci. Mais nous serons peu
à la comprendre et à l'aimer tout en
tière, à épouser joyeusement la douce
pensée équilibrée. Aimer ce livre ne
sera-t-il pas pour quelques-uns un signe
de reconnaissance, un moyen de se sentir
frères aux plus émouvantes profondeurs?
Nous aimer les uns les autres dans ce
livre, aura pour nous le charme de rares
et étroites intimités. Même parmi nos
amis d’hier, tous ne monteront pas
jusqu'au sommet libérateur qu'habite
Jouve.
Comme au “ Livre de la Nuit „ nous
trouvons au seuil du nouveau poème
l’infini désespoir. Mais voici, plus vaste
encore, puisqu-il est l’être intérieur lui-
même, l’espoir fait de force sans illusions :
D’abord j’ai pleuré comme le prophète sous les pierres.
Puis j’ai crié la vérité d’une voix écorchant la bouche,
Et le troisième jour j’ai compris la paix vaste du héros.
La paix héroïque d’aujourd’hui et de
toujours, celle que ne peuvent plus
troubler les tumultes du dehors, n’a rien
de commun avec la paix vulgaire qui
met sa confiance en je ne sais quels