Volltext: Ça ira (7 = 1920, octobre)

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la contrée. C'était encore l'infâme Gui 
mauve. Tous les soupçons se por 
tèrent sur cet impudent goujat qui se 
plaisait à agiter le spectre de l'anarchie. 
Un matin, les gendarmes se dirigèrent 
vers sa demeure et empoignèrent le mau 
vais drôle. Il comparut devant les juges. 
Il fut accusé de masochisme et de pria 
pisme. 
Aussitôt que la sentence fut pronon 
cée il fut incarcéré dans un sombre cachot 
où il pouvait à son aise méditer le délit 
dont il s'était rendu coupable. 
Pourtant comme c'était un détenu 
politique et que la vie était chère à 
Landerneau, Guimauve fut autorisé à 
se procurer sa nourrirure par les soins 
de sa famille. 
Guimauve ne tarda pas à souffrir dans 
sa prison. Il résolut de se donner la mort 
par indigestion. L'infortuné se gorgea de 
nourriture. La ville entière en apprenant 
la tentative de suicide de Guimauve lui 
envoya force victuailles pour l’aider à 
délivrer la terre d'un cancre. 
Guimauve engraissait. Les journaux 
s’emparèrent de l'événement. Ils infor 
mèrent leurs lecteurs de l’état de Gui 
mauve et de son acheminement vers l'ex 
trémité de ses jours. — Tous les matins 
son geôlier venait lui apporter les ga 
zettes : “ Le Pravda „, “ Le Petit Mar 
seillais,,, ‘d'intransigeant,,, etc. Gui 
mauve les dévorait. Il s’apitoyait sur les 
radios de Moscou. La famine menaçait 
la Russie mais pour faire preuve de 
charité il était question deluienvoyer des 
pains. En Italie les ouvriers se lassaient 
de leur état d’infériorité vis à vis des 
patrons. Ils s’étaient révoltés et avaient 
obtenu le contrôle légal des usines. 
Le prix des denrées augmentait toujours. 
Une conférence internationale s'était' 
réunie, potrr restreindre la circulation 
fiduciaire. Chaque délégué appelait 
l'attention de la conférence sur la mau 
vaise situation financière de son pays 
et indiquait les moyens d'y rémé die r. 
Plusieurs proposèrent d’imposer les 
coffres forts. Mais le délégué zébro- 
vien démontra que ce serait la faillite 
des tire-lires et toute la presse saluait la 
Zébrovie conservatrice. 
L'interminable supplice de Guimauve 
finit par attendrir les coeurs. Par sympa 
thie pour son sacrifice des femmes lui 
envoyaient des tresses de leurs cheveux. 
Un correspondant du Daily Herald 
voulut interviewer Guimauve sur son 
système de socialisation des femmes,, 
mais Guimauve se refusa à tout entretien. 
Il avait avalé sa langue. 
Le maire, lui aussi, était depuis quel 
que temps dans une drôle de posture. 
Il avait placé sa fortune dans les 
tramways napolitains, et il avait une 
maîtresse qui s’appelait Mimi. Ce nom 
était tout un programme. 
L’agonie de l’instituteur de Lander 
neau donnait lieu à des détails de plus en 
plus impressionnants. Son ventre gon 
flait. Ses bajoues augmentaient en 
flaccidité. Il avait des cauchemars et 
dans son délire il se croyait devant ses 
élèves et répétait invariablement l’al 
phabet. 
L’ambassadeur du Kamtchatka inter 
céda auprès du gouvenement zébrovien 
en faveur de Guimauve. Le chef de 
l’Etat en perdit aux trois quarts la raison. 
Pour comble de malheur la peste 
bovine vint à sévir. — Le mal se répan
	        
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