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ÇA IRA !
NOTULES
Les Livres
P. J. JOUVE : Romain Rolland vivant.
(Librairie Ollendorff.)
" Une grande figure d’homme est un mer-
veil eux poème, - le poème des poèmes,,. Dans
Romain Rolland vivant, le plus pénétrant et le
plus aimant des poètes informe, pour notre
joie, la plus magnifique et généreuse des
matières : l’évolution d’une intelligence riche
et inquiète, son unité toujours risquée aux
conquêtes et aux compréhensions nouvelles,
toujours héroïquement reconstruite. Pour
plusieurs ce livre sera, si moderne, un doux et
ferme évangile ; il conte d’un homme qui ne
dit jamais : Moi seul suis la, voie, la vérité et
la vie ; mais qui s’applique à rester toujours
une sincérité, une ardeur et un chemin vers les
sommets.
“Il ne faudra donc point demander à mon
ouvrage la science critique, /’impassibilité et la
sèche certitude que les fiches donnent à nos
historiens. Je me moque bien de tout cela. Mais
il faudra lui demander la vie, et il faudra qu’il
la donne : la vie Complexe et sans déguisement,
sans simplification, sans ittérature ornemen
tale, avec ses énigmes et ses troubles.,,
Pascal dit que “la vraie éloquence se moque
de l’éloquence,,. Ici la vraie science critique se
moque de la "banale et décevante “science
critique,,, de son pédantesque appareil, de ses
vastes échaffaudages pour construire une bran
lante et ridicule bicoque. Jouve apporte
“devant l’importance du sujet, un continuel
souci d’analyse approfondie et de vraie con
naissance,,. Souci toujours victorieux, me
semble-t-il, et satisfait, grâce à “l’amour pour
ce grand esprit vivant et qui éclaire notre
temps, un amour désintéressé qui ne se propose
pas d’annexer à soi, mais seulement de com
prendre et d’honorer.,,
Dans quelque esprit qu’on aborde ce poème
d’une pensée vivante et d’un vivant amour,
la lecture sera toujours, à des degrés divers,
émouvante et utile. Qui lira froidement et
pour s’informer apprendra ici plus qu’autre
part : pour la connaissance et la calme
psychologie, une vie héroïque est dix fois plus
riche que les basses aventures où les natura
listes croyaient rencontrer la seule vérité. Le
choix de Jouve contant Romain Rolland est
aussi heureux que les choix de Romain Rolland
disant son frère Tolstoï, ou Beethoven, ou
Michel Auge.
Mais, à lire avec amour, ah ! quelle moisson
abondante on récoltera. Ce n’est pas seulement
enrichi, c’est fortifié et affermi qu’on sort de ce
noble livre. Quoi de plus charmant, de plus
pénétrant, de plus rassénérant aussi que cette
longue et confiante causerie avec deux hommes
qui peuvent parler par expérience des profon
deurs humaines, parler par expérience des
sommets humains. Grâce aux nombreuses
citations de conversations familières et de
lettres personnelles, nous n’entendons pas
seulement Jouve parler de Romain Rolland ;
nous entendons Romain Rolland, comme un
Montaigne héroïque, nous parler de lui-même.
Il nous dit ses inquiétudes devant tous les
problèmes ; il nous dit de quelle façon et dans
quelle mesure il a triomphé des inquiétudes et
résolu les problèmes.
Même dans ses ouvrages les plus soignés,
on ne lit jamais Romain Rolland comme on
écoute un virtuose. C’est lui qu’on aime et
qu’on admire dans son oeuvre. Cette oeuvre
puissante et profonde nous émeut précisément
de se manifester “imparfaite et qui ne se soucie
pas de perfection formelle,,. A âprement se
vouloir bienfaisante, elle sacrifie la grâce ou
l’éclat à la pensée, elle sacrifie parfois la pensée