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en dehors de toutes voies tracées sauf celles sans doute qu'ouvrit
Le Coup de Dés Mallarméen. Marcel Sauvage cherche à identifier
la sensation avec son cadre psychique. Il enjambe sans cesse l’hiatus
qui sépare l’irritation superficielle de la rétine ou du tympan des
associations plus ou moins ordonnées que produit mécaniquement la
transmission sensorielle dans les centres cérébraux. Il parvient ainsi
à abstraire des visions polychromes et à nantir de couleurs les plus
lointaines propulsions de l’inconscient. Franz Hellens est un curieux
esprit profond autant en poésie qu'en ses romans, Tristan Deréme un
poète miraculeusement classique et Paul Valéry figure dans le lyrisme
présent une façon de disciple, moins géomètre ou logicien que doué
merveilleusement pour la musique, du vieux Kant et de sa Critique
de la Raison Pure. Sa plastique symbolique parvient à force d’art à
l'étrange pouvoir synthétique et mysticisant de la musique de Bach.
Ainsi, le volume de Paul Neuhuys arrive t-il à donner un aperçu
très judicieux du mouvement lyrique contemporain. J’ai dit au début
que son auteur ne me semblait pas avoir donné à la musique sa place
normale en poésie. Il parait n’avoir voulu, comme je tiendrais à ce
que ce fut fait, séparer rigoureusement la prose de la poésie. Certes,
je sais que bien des morceaux de prose sont tout musique ; La Danse
d'Hérodiade dans le conte de Gustave Flaubert, la vision du Forum
dans Madame Gervaisais de Goncourt, certains morceaux de Rosny
dans Vamireh et tant d’autres constituent de la poésie. Mais
pourtant je tiens la séparation comme absolue. La prose est illimitée.
Quel que soit le morceau que l'on me citera, je vois les raisonnements
et les définitions, les coordonnées et les finalités prolonger, en deçà
et au delà n’importe quelle phrase, n’importe quel livre, n’importe
quelle œuvre. Un poème se suffit. Il n’a aucune filiation avec rien.
Il nait et meurt devant vous. Il est total. Rien ne le rattache à une
série causale, du moins en son contenu proprement poétique. Cette
individualisation de la poésie, augmentée et complétée par la musique
verbale qui lui sert de substrat, met un abîme entre le plus poétique
des poèmes en prose et la poésie pure. Il faut noter que je ne tiens
aucun compte des méthodes scripturales, ni des techniques qui sont
choses négligeables, malgré toutes les traditions. Au surplus, il faut
être plus hermétique à l’intelligence que le liège ne l'est à l'eau pour
parler techniques traditionnelles en France. Notre poésie est basée
sur les rapports des brèves et des longues, des temps forts et des
temps faiblesde la poésie latine. La rime et la numération des syllabes
nestmt que dès trompe l’teil. H suffît de scànder des vers de Hugo, de