Volltext: Ça ira (18 = 1922, mai)

Ventre de ma Mère 
C’est mon premier domicile 
Il était tout arrondi 
Bien souvent je m'imagine 
Ce que je pouvais bien être 
Les pieds sur ton cœur, maman, 
Les genoux v tout contre ton foie 
Les mains crispées au canal 
Qui aboutissait à mon ventre 
Le dos tordu en spirale 
Les oreilles sourdes, les yeux morts 
Tout recroquevillé, tendu 
La tête presque hors de ton corps 
Mon crâne à ton orifice 
Je jouis de ta santé' 
De la chaleur de ta vie 
Des étreintes de papa 
Bien souvent un feu hybride 
Electrisait mes ténèbres 
Un choc au crâne me détendait 
Et je ruais sur ton cœur 
Le grand muscle de ton vagin 
Se resserrait alors durement 
Je me laissais douloureusement 
Faire, et tu m’inondais de ton sang 
Mon front est encore bosselé 
De ces bourrades de mon père 
Pourquoi faut-il se laisser faire 
Ainsi à moitié étranglé 
si r avais pu ouvrir la bouche 
Je t’aurais mordu 
Si j’avais pu déjà parler 
J’aurais dit : 
Merde ! Je ne veux pas vivre 
1917 
Blaise CENDRARS
	        
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