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De l’amour et de la pensée, c’est ici le confluent sub
til !
La page blanche
luit devant moi.
Et de même que le Dieu se fait homme, ainsi vient se
soumettre aux lois du rythme mon idée.
Image de mon parfait bonheur,
j’étale ici, peintre récréateur
la couleur la plus tremblante et la plus vive.
Je suis couché contre la terre. Près de moi, la branche,
chargée de fruits éclatants, ploie jusqu’à l’herbe; elle
touche l’herbe; elle frôle et caresse le plus tendre épi
du gazon. Le poids d’un roucoulement la balance.
Je ne saisirai plus les mots que par les ailes. Est-ce
toi, ramier de ma joie ? Ah ! vers le ciel, ne t’envole
pas encore... Ici, pose. Repose-toi.
J’écris pour qu’un adolescent, plus tard, pareil à celui
que j’étais à seize ans, mais plus libre, plus hardi, plus
accompli, trouve ici réponse à son in Lerrogation palpi
tante. Mais quelle sera sa question ?
Je n’ai pas grand contact avec l’époque et les jeux de
mes contemporains ne m’ont jamais beaucoup diverti.
Je me penche par delà le présent. Je passe outre. Je
pressens un temps où l’on ne comprendra plus qu’à
peine ce qui nous paraît vital aujourd’hui.
Comme le futurisme paraîtra vieux dès que la con
vention d’hier sera brisée ! Je rêve à de nouvelles har
monies, Un art des mots, plus subtil et plus franc; sans
rhétorique ; et qui ne cherche à rien prouver.