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Il est bon qu'on obéisse aux lois. Le peuple comprend ce
qui les rend justes. On ne les quitte pas. Quand on fait dé
pendre leur justice d'autre chose, il est aisé de la rendre
douteuse. Les peuples ne sont pas sujets à se révolter.
Ceux qui sont dans le dérèglement disent à ceux qui
sont dans l'ordre que ce sont eux qui s'éloignent de îa\ na-
nature. Ils croient le suivre. Il faut' avoir un point fixe
pour juger. Où ne trouverons-nous pas ce point dans la
morale ?
Rien n'est moins étrange que les contrariétés que l'on
découvre dans l'homme. Il est fait pour connaître la vérité.
Il la cherche. Quand il tâche de la saisir, il s'éblouit, se
confond. de telle sorte, qu'il ne donne pas sujet à lui en dispu
ter la possession. Les uns veulent ravir à l'homme la con
naissance de la vérité, les autres veulent la lui assurer. Cha
cun emploie des motifs si dissemblables, qu'ils détruisent
l'embarras de l'homme. Il n'a pas d'autre lumière que celle
qui se trouve dans sa nature.
Nous naissons justes. Chacun tend, à soi. C'est envers
l'ordre. Il faut tendre au général. La pente vers soi est la
fin de tout désordre, en guerre, en économie.
Les hommes, ayant pu guérir de la mort, de la misère,
de l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de
n'y point penser. C'est tout ce qu'ils ont pu inventer pour
se consoler de si peu de maux. Consolation richissime. Elle
ne va pas à guérir le mal. Elle le cache pour un peu de
temps. En le cachan t, elle) fait qu'on pense à le guérir. Par
un légitime renversement de la nature de l'homme, il ne se
trouve pas que l'ennui, qui est son mal le plus sensible,
soit son plus grand bien. Il peut, contribuer plus que toutes
choses à lui faire chercher sa guérison. Voilà. tout. Le diver
tissement, qu'il regarde comme son plus grand bien, est son
plus infime mal. Il le rapproche plus que tontes choses de
chercher le remède à ses maux. L'un et l'autre sont, une
contre-preuve de la misère, de la corruption de l'homme,
hormis de sa grandeur. L'homme s'ennuie, cherche cette
multitude d'occupations. Il a l'idée du bonheur qu'il a gagné ;
lequel trouvant en soi, il le cherche, dans les choses exté
rieures. Il se contente. Le malheur n'est ni dans nous, ni
dans les créatures. Il est en Elohim.
La nature nous rendant heureux en tous états, nos désirs
nous figurent un état malheureux. Ils joignent à l'état où
nous sommes les peines de l'état où nous ne sommes pas.