PAGES DU JOURNAL
DE LAFCADIO
(Extraites des « Faux Monnayeurs >)
— Des opinions, me dit Edouard, lorsque je lui
montrai ces premières notes. Opinions... Je n’ai que
faire de leurs opinions, tant que je ne les connais pas
eux-mêmes. Persuadez-vous, Lafcadio, que les opi
nions n’existent pas en dehors des individus et n’inté
ressent le romancier qu’en fonction de ceux qui les
tiennent. Ils croient toujours ratiociner dans l’absolu ;
mais ces opinions dont ils font profession et qu’ils
croient librement acceptées, ou choisies, ou même
inventées, leur sont aussi fatales, aussi prescrites que v
la couleur de leurs cheveux ou le parfum de leur
haleine... Ce défaut de prononciation de Z, que vous
avez fort bien fait de noter, m’importe plus que ce
qu’il pense ; oü du moins ceci ne viendra qu’ensuite.
Y a-t-il longtemps que vous le connaissez ?
Je lui dis que je le rencontrais pour.la première
fois.|Je ne lui ëachai pas qu’il m’était extrêmement
antipathique.
— Il importe d’autant plus que vous le fréquen
tiez, reprit-il. Tout ce qui nous est sympathique, c’est
ce qui nous ressemble et que nous imaginons aisé
ment. C’est sur ce qui diffère le plus de nous que doit