Volltext: Littérature (2 (1920), 11)

et les courtes phrases, mais je sais trop de langues 
pour en parler parfaitement bien aucune ; et j’écris 
n’importe comment. Je crois que je suis trop impa 
tient pour jamais rien réussir. 
Au fond, Edouard ne me connaît pas plus que je 
ne le connais moi-même. Quand il m’a demandé si 
j’avais une maîtresse, j’ai failli lui dire que je ne 
redoute rien tant qu’une liaison ; mais mieux vaut 
ne pas trop se découvrir. J’ai l’horreur de parler de 
moi; cela ne vient pas seulement de ce que je ne 
m’intéresse pas à moi-même, mais surtout de ce que 
je n’avance rien sur moi-même, que le contraire ne 
m’apparaisse aussitôt beaucoup plus vrai. Ainsi 
j’allais écrire : j’ai le goût de la volupté, mais il faut 
bien que je me l’avoue : l’amour m’ennuie. Et je songe 
aussitôt que ce qui m’ennuie dans l’amour c’est la 
romance, le long difïèrement du plaisir, les petits 
soins, les minauderies, les protestations, les ser 
ments... Car, amoureux, je le suis sans cesse, et de 
tout, et de tous. Ce qui me déplairait, ce serait de ne 
l’être plus que de quelqu’un. 
Ce besoin que j’ai d’obliger, de rendre service, 
d’où jaillit la plus claire source de mon bonheur, et 
qui me fait sans cesse préférer autrui à moi-même, n’est 
peut-être, après tout, qu'un besoin de m’échapper, 
de me perdre, d’intervenir, et de goûter à d’autres 
vies. 
Assez parler de moi. Sans Edouard je n’en aurais 
jamais tant dit, 
André GIDE.
	        
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