UN DIMANCHE A GUICHEN
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— Si vous m’en croyez, Lucien Jollic, nous ne fréquenterons pas
ce traîneur de sabres.
— Et pourquoi donc, s’il vous plaît, Philippe Exaudy, si sa société
me convient.
— Je n’aime ni les pourquoi ni les parce que : le pantalon rouge
n’est pas mon fort.
— Un pantalon rouge est un ami comme un autre et celui-ci me
distrait par ses aventures de jupe.
— Il nous fera remarquer de la ville entière.
— S’en fâche qui voudra de la ville ou de mes amis, Maxime
Latour est un garçon bien élevé, je m’en tiens là!
— Choisissez-le donc pour votre compagnon habituel car il vous
faudra renoncer à ma société. Ce spadassin n’a que des propos de jupes.
— Je vais vous croire jaloux des aventures que nous cherchons
nous-mêmes sans les avoir jamais trouvées.
Le nuage de la foule, après chacun des morceaux, s’élève, se casse,
disparaît, se reforme en peloton. Sur ce coin de l’universelle nuit c’est
un bruissement dans le silence de l’unifiante obscurité.
— Il y a, dit le professeur de cinquième qui ose parler quand la
rivière fait du vacarme, dans zinzolin, la racine sol, le préfixe suri et le
suffice lin; sun, sol, lin, étoffe tissée avec le soleil; sun, avec! c’est très
beau.
— Mais puisqu’on t’a dit que c’était une couleur, dit sa femme.
— Non, Marie, c’est une étoffe.
— L’allure du mot donnerait à penser qu’il est d’origine tcherkesse,
dit M. Goin, le savant agriculteur.
— N’est-ce pas plutôt le nom d’une bête? dit Benazet, le secré
taire du préfet. Le zinzolin n’est-il pas un petit animal de Sibérie qui
vit au bord des lacs.
— Vous confondez, mon cher Benazet, avec l’hermine.
Max Jacob.
D’un volume à paraître chez Emile-Paul : Le Terrain Bouchaballe.