Volltext: Les feuilles libres (4(1922), avril-mai = No. 26)

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RENÉ-MARIE HERMANT 
traité — maltraité — par Gautier est plus près de- nous, plus humain, 
que sous toutes les admirations, tous les respects posthumes — Il est 
remarquable que d'éditions de luxe en tirages bon marché, le ‘'corres 
pondant " de Poë devient insensiblement un eaint achevé. Accoutumance 
qui finira bien par le rendre de plus en plus sympathique et pénétrable 
à des peuplades entières, mais parfaitement fade aussi. A qui le lit 
pour la première fois, il apparaît satanique, tiraillé et ténébreux ; alors 
Gautier est bien son préfacier. Le connaît-on depuis dix ou vingt ans, 
on en a la pratique et l’on ne s’y écorche même plus le coude. Quelle 
est donc la meilleure lecture? Celle-là, toute fraîche, mordante, âcre 
et douloureuse, ou celle-ci, encrassée d'habitude, hydratée de considé 
rations excellentes et de variations spécieuses ? Qui peut donc se vanter 
de goûter Baudelaire comme il se doit, et pourquoi l'âge mûr aurait-il 
raison contre la jeunesse, pour un livre dont la meilleure essence n'est 
point de l'âge mûr? Pourquoi aussi serait-ce rétrécir et déprécier 
l'œuvre que d'y voir à plein le satanisme et toute cette cuisine infernale 
dont parle Gautier? Et pourquoi M. Ernest Raynaud plaide-t-il si 
humblement "l'esprit dans lequel ces tableaux (du vice) sont conçus” 
pour nous les garantir purifiés par la douleur, et de consommation inof 
fensive? S’agirait-il de canoniser Baudelaire ou d’en préparer éventuel 
lement des morceaux choisis pour vierges pâles? 
Il serait sans doute curieux de demander un jour une préface à 
quelque jeune de ses admirateurs, aux environs de vingt ans d’âge, alors 
que la langue est encore toute neuve et le cerveau sans diplomatie, et 
n'ayant surtout encore aucune école, aucun système à lui. Peut-être en 
tirerait-on quelque chose d’assez parallèle à ce qu’à fait Gautier, pour 
ce qui nous préoccupe ici. Et ce serait tout aussi fondé que n’importe 
quoi, puisque Baudelaire n’est plus maintenant qu’une affaire de senti 
ment, et que nous devenons un peu plus clairvoyants — mais rassis — 
de jour en jour. Pour dire mieux encore, il ne serait peut-être pas tant 
paradoxal de prétendre que le Baudelaire des conférences de M. 
Gonzague de Reynold, à la Faculté de philosophie de Berne, neét paà 
Le bon. Quand on sait ce que les attentions officielles sont parvenues à 
faire d’un Villon, par exemple, on peut être inquiet pour notre plus beau 
"poète maudit”.
	        
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