A PROPOS DU CONGRÈS DE PARIS
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J’ai le grand regret de vous dire que les réserves que j’avais formulées sur l’idée même du
Congrès ne changent pas du fait que j’y participe, et qu’il m’est assez désagréable de devoir
refuser l’offre que vous m’avez faite. Croyez cher ami, qu’il ne s’agit pas d’un acte d’ordre
personnel, ni contre vous, ni contre les autres membres du comité, et que j’ai su apprécier votre
désir de donner satisfaction à toutes les tendances, ainsi que l’attention que vous m'avez
témoignée.
Mais je considère que le marasme actuel, résulté du mélange des tendances, de la confu
sion des genres et de la subtitution des groupes aux individualités, est plu6 dangereux que la
réaction.
Je préfère donc me tenir tranquille, plutôt que d’encourager une action que je considère
nuisible à cette recherche de nouveau, que j’aime trop, même si elle prend les formes de
l’indifférence.
Ne cherchez pas d’autres interprétations et croyez, etc....
Tristan Tzara.
Il y a quelques jours, je n’étais pas encore un imposteur avide de réclame, puisque j’étais
digne de siéger dans ce noble conclave.
Voilà à quoi se réduisent les “agissements d’un personnage connu pour le promoteur
d un mouvement , agissements qui ont soulevé la colère de tous les représentants de l’art
moderne, et qui ont eu peur “ que le sort de leur entreprise ne dépende des calculs " qui, en
cette occurence, n’étaient qu’un simple changement d’opinion.
Devant l’honneur que me fait le comité du Congrès de s’occuper si intensément de ma
personne, je n ai qu’a ôter mon chapeau haut-de-forme, de le mettre sur une locomotive qui s’en
ira en pleine vitesse vers les pays inconnus de la critique.
Recevez, etc. Tristan Tzara.
Comœdia et Journal du Peuple, 17 février ;
Les artistes d’avant-garde ont reçu la lettre suivante :
Cher Monsieur,
Paris, 14 février 1922
Les préparatifs bureaucratiques et ridicules du grand congrès pour la délimitation de l’art
moderne, et la publicité des basses cours à capital déclaré, portent déjà leurs fruits et abou
tissent à des complications où apparaît le véritable esprit des organisateurs : volonté d’annihiler
ce qui est vivant, et réaction dans tous les domaines. On en vient à reprocher à tel ou tel
d’arriver de Zurich.
En dehors de toute question personnelle, nous pensons qu’il est temps de mettre fin à ces
histoires de papes et de défendre notre liberté.
Nous désirons vous consulter à ce sujet et vous prions de vous trouver le 17 février à la
Closerie des Lilas.
Paul Eluard, G. Ribemont-Dessaignes, Erik Satie,
Tristan Tzara.
Journal du Peuple, 17 février :
Comme suite au communiqué du comité organisateur du Congrès de Paris, injurieux pour
une personnalité du Mouvement Dada, une réunion de protestation s’est tenue à la Closerie
des Lilas.