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Après l’épique du cubisme, c’est le lyrisme des formes et
surtout le lyrisme de la construction, qui commence à pré
dominer. Après le classicisme de ces mouvements —
la réaction romantique du sentiment.
voilà
CREPUSCULE DE LA METAPHORE
Il n’y a pas longtemps, la métaphore était l’attribut le
plus réel de la poésie nouvelle. Elle exprimait l’actuel
mieux que tous les autres images poétiques. La métaphore
était l’avant-dernière marche de la nouvelle réalité poétique.
En premier, et encore assez primitifs, il faut considérer les
« mots en liberté » de Marinetti, qui, n’employant que des
morceaux autonomes et non liés d’images, (les substantifs
concrets et abstraits) ne comprenait pas les relations de
fonction qui existaient entre eux. En métaphore nous trou
vons l’image ; la métaphore plus avancée exprime déjà
deux traits communs à deux images. En continuant dans
cette direction nous pourrons arriver en conséquence jus
qu’à l’expression de la conception poétique par plusieurs
métaphores ou même par une seule métaphore très étendue.
Et c’est cette conception première, l’idée poétique qui n’est
susceptible d’être réalisée qu’en poésie et par la poésie, qui
est ici la plus importante. Pour la plupart les poètes ne
pénètrent pas aussi profondément les causes ; ils se con
tentent des images pour elles-mêmes.
En exprimant certaines qualités communes
la méta
phore est en même temps une épreuve de classification.
C’est-à-dire, en principe, elle est injuste déjà, comme tout
ce qui classifiie. La conscience de cette injustice
consciemment sentie, comme la protestation contre l’impos
sibilité de connaître, est déjà une valeur artistique de premier
ordre. La métaphore qui embrasse en même temps la réa
lité vitale et abstraite exprime le conflit métaphy
sique. Ses éléments de différentes réalités, qui sont liées par
des rapports très éloignés (quelquefois ne pouvant être que
senties)
provoquent l’étonnement, épiderme de la sen
sation artistique. En se basant sur différents éléments de la
vie moderne la métaphore est devenue l’instrument le
plus apprécié de la poésie nouvelle. Mais les années der
nières semblent rectifier l’hypertrophie de la métaphore en
cherchant des valeurs nouvelles dans la phrase et dans
l’idée. Cette réaction est parue quelquefois sous une forme
assez violente d’évitation de la métaphore. (Les surréalistes
p. ex. ont cessé d’essayer d’exprimer certains rapports
existant entre les images. Ils avaient choisi comme méthode
la production irrationelle des images : « écriture méca
nique ») • Il fallait peut-être souligner ici le fait que l’atti
tude des surréalistes se rapproche beaucoup de celle du
futurisme. Bréton, aussi bien que Marinetti propage le culte
de la fantaisie et par conséquence en fait la méthode
unique de création. La seule différence qui existe : Mari
netti emploie les mots dans leurs rapports concrets
logiques, pendant que Bréton se sert de l’image.
Nous passons ainsi du mot concret autonomique à la
métaphore-image, qui est déjà l’expression du rapport de
fonction existant entre deux réalités, celle « vitale » et l’ab
straction. En continuant dans ce sens nous trouverons l’ima
ge de plus en plus étendue, qui devient enfin une métaphore
exprimant le problème de la construction ; problème méta
physique et artistique en même temps. L’ensemble du poème
devient ainsi l’équivalent d’un sentiment métaphysique.
L’œuvre d’art est — comme dit Peiper — « une allusion
formée à la réalité. » Cette charge électrique de « l’allu
sion » est la chose la plus importante dans l’art. Par son
identification avec la réalité certains mouvements passéistes
se sont complètement déchargés d’iones artistiques, en ou
bliant qu’on ne range dans le domaine de l’art que ce qui
dépasse les limites de la nature, qui est «artificiel ».
La poésie nouvelle a produit surtout un appareillage nou
veau. Le matériel poétique ne s’est changé que peu. La
ville, et la machine ont élargi évidemment la sphère de ce
qui est poétique (puisqu’ils ont élargi la sphère de ce qui
est), mais le mot a subsisté, le même chez les passéistes que
chez les modernes. D’après les statistiques (juxtapositions)
que nous fait Ozenfant dans son dernier livre, la fréquence
de certaines expressions (p. ex. la nuit, les couleurs, les
étoiles, les moyens de locomotion, etc.) n’a pas beaucoup
changé en comparant les poètes modernes avec ceux d’avant
30 OU 30 ans. Ainsi donc le problème essentiel de la poésie
nouvelle n’est pas dans les éléments nouveaux des mots,
mais dans les dépendances en fonction de la construction
— des mots, des images, des phrases et des conceptions.
LE STYLE ELIPTIQUE EN POESIE
Le signe le plus caractéristique de la vie moderne est sa
vitesse et son intensité. Le trait le plus essentiel de la
poésie nouvelle est dans sa tendance vers le raccourci.
L’abréviation est déjà en soi-même une valeur par excel
lence artistique, parce que en nous mettant en face de
quelque chose d’inespéré — il provoque l’étonnement méta
physique (= artistique). L’abrégé est la valeur la plus es
sentielle de la construction ; la construction à son tour est
l’expression la plus difficile de l’artisme, de la conscience,
de la volonté créatrice. L’abréviation est ensuite le résultat
de la sélection et nous savons ce que certains domaines
de l’art (p. ex- le roman et le cinéma) doivent à la science,
afin de pouvoir rejeter les détails inutiles et onéreux.
Dans les dernieres années l’élipse s’est transformée dans
la poésie nouvelle pour n’être plus le simple moyen tech
nique, mais la base et le principe essentiel de certains mou
vements. L association verbale et le surréalisme (association
verbale, écriture mécanique, etc. : résultats du dadaïsme)
ont élevé l’élipse jusqu’au degré de la force motrice. L’élipse
bien employée devait être l’expression de certaines formes,
images ou bien de sons. Elle devait extraire l’affinité chi
mique des mots. II est bien évident, que cette élipse est en
même temps profondément enracinée dans la subconscience
dont l’importance par la force de réaction contre l’intellec
tualisme de notre siècle, s’élargit et accroît de jour en jour.
Certains poètes ne font des poèmes, qu’en liant les mots