MONOLOGUE 
Comment expliquerais-je à Dieu mon bonheur de vivre dans cette 
bonne chaleur, moi qui crains tellement le froid! 
J’écoute le bruit de la vague chaude, qui monte dans d’humbles 
tuyaux creusés exprès pour qu’elle vienne chauffer tous les étages, n’im 
porte ! chez moi aussi. 
Aucune préférence à aucun locataire : prévoyance miraculeuse en cas 
d’hostilité de quelque brave dégoûté de me voir vivre. 
On dirait que l’eau crépite en souvenir du feu qui la chauffa, qu’elle 
veut donner encore plus que de la chaleur : l’illusion de ce jeu qui brûle, 
comme si l’on n’avait pas déjà assez de bonheur! 
Bonne vague ! venue honnêtement... d’où ? Quelque part, très loin, un 
lac sans histoire ni orgueil, dort, paisible comme ses poissons immobiles 
et glacés : on ne vit plus aux temps où des animaux sauvages jouissaient 
de cette forêt qui l’encercle plus que noire, car c’est déjà la nuit ; mais 
dans ce silence on doit entendre des voix de pas, le bruit de branches 
cassées... peut-être une lutte de quelques bêtes qui ne sortent qu’aux 
heures inconnues, que les hommes ignorent, que le savoir laisse échapper. 
Les sources de la volonté divine sont inabordables, ainsi que les 
sources de ce lac qui, par des plaines, des ravins, des tonnelles, laisse 
docile couler ses eaux dans de tristes maisons de Paris, sans jamais dimi 
nuer, sans jamais ternir. 
Lac béni ! je voudrais te savoir d’une couleur merveilleuse, toujours 
bleu, que la nuit te verse toutes ses étoiles, qu’elles tapissent ton fond 
comme de pavés d’or, qu’elles viennent de partout pour t’égayer ! 
Aucune volonté de nuire... 
Pourtant ! une révolte pourrait t’affoler de fond en comble, et cassant 
toutes les défenses, effrayant cataclysme jamais vu! tu éclaterais dans de 
misérables tuyaux parisiens ; leur échafaudage fantastique s’écroulerait 
avec les maisons et la ville périrait emportée dans un nouveau bassin creusé 
par ta folie. 
Mais tu perdrais le voisinage de la forêt, et des berges et des som 
mets de montagnes, et de tout ce que tu aimes depuis toujours. 
Paris, le 26 octobre 1916. 
Roch Grey
	        
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