Volltext: Jeunes peintres Français et leurs maîtres

P R ɀ F A C E 
J’ai lu chez un vieux chroniqueur qu’aux approches de l’an mille, tandis 
que les foules haletantes se pressaient dans l’ombre des basiliques pour y attendre 
la fin du monde, de vrais chrétiens comprirent que la seule façon d’honorer le 
Seigneur était d’accomplir avec amour son devoir quotidien. À défaut d’ouvrir 
dans le fond des Livres d’Heures cet azur fleuri de papillons dont se régalera plus 
tard la gentillesse des imagiers du duc de Berry, de sages enlumineurs continuèrent 
de tendre leurs feuilles d’or, d’ourler minutieusement de nobles initiales et de 
dessiner sans trembler le visage de Dieu. 
Jeunes peintres, qui persistez à peindre en cet an que vous me permettrez de 
ne pas appeler un an de grâce, vous ressemblez à ces sages de l’an mille qui, pour 
faire leur salut, osarent vaquer aux soins du ménage et aux commissions de 
l’esprit. Le retour à la terre, vous l’avez accompli à votre manière en reprenant 
vos pinceaux. Vous êtes les fils d’un pays qui, depuis huit cents ans, s’il fut 
souvent sauvé par les gens des campagnes, n’a pas cessé d’avoir des peintres. 
Songez que nous n’avons à peu près rien gardé de cette école romane qui précéda 
de deux siècles les éclairs de Cimabué, et tout perdu de ces immenses peintures qui, 
au temps du Dante, faisaient envie aux maîtres de l’Italie. De Fouquet à Cézanne, 
su la peinture française a négligé les sphères où s’accomplit la mission d’un 
Dürer, les orages où le malheur enfante les splendeurs d’or de Rembrandt, les 
symphonies païennes où se balancent les élégances d’Italte, les messes pâleso u 
tremble l’ardeur de l’Espagne, les kermesses où s’étale la profusion flamande, 
la veine épique où purse la Sursse courageuse de Nicolas Manuel à Hodler, elle a 
représenté l’univers avec une étendue, une variété, une modération qui n’ont 
d’exemple sous aucun autre elimat. 
Jeunes perntres, vous n’avez pas désespéré. Certains de vous allaient encore 
à l’école pendant la dernière guerre. Vous avez deviné que, si l’on doit parler de 
nous dans cent ans, ce sera pour nous féliciter d’avoir vécu au temps de Degas. 
de Renoir, de Claude Monet. Vous êtes venus après l’explosion paienne de l’im- 
pressionnisme qui libéra la peinture des ragoûts et de la sauce notre des Bolonais ; 
après la réaction de Cézanne qui «fit de l’impressionnisme quelque chose de 
durable comme l’art des musées »; après le message de Gauguin qui rendu à la 
peinture le privilège de l’imagination ; après l’orgie des Fauves qui donna à 
la couleur pure une valeur spirituelle ; après l’indispensable rappel à l’ordre du 
cubisme en vue d’une reconstruction formelle. Vos deux générations ont eu pour 
mission : la première (celle qui comprend les peintres nés autour de 1900) d’orga- 
niser les conquêtes de la couleur; la seconde (celle qui compte les peintres nés 
dix ans plus tard, et qui parvinrent à l’âge d’homme entre les deux guerres) de 
retrouver le sens de l’humain. 
Une révolution, dont la prolence allait singulièrement passer la mesure des 
expériences techniques, saluait votre éveil. Le surréalisme narssait du nouveau mal 
du siècle. S’il s’acharnait à humilier une civilisation que ses adeptes jugeaient 
morthonde, il sous-entendait une reconstruction du monde, de l’homme et, dans 
sa négation même, de l’art. Pour rendre à la création son état de pureté, il com- 
mandait à l’artiste de livrer sans artifices ses rêves ou les entraînements d’une
	        
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