ÇA IRA ! 81 \ le temple solitaire de la beauté, dont les esprits éminents se sont complus à décrire l’aspect et l’endroit, à commen cer par Adam pour finir à la fin des siècles, est envahi par une querelle sordide, par une alarme impressionnante, par un charivari tragique et fou. Les murs de nos maisons disparaissent sous les affiches amnonçant des meetings. Journaux et revues trouvent des abon nés. Les volumes nous enterrent. Aucune miséricorde pour les piteux typographes qui tuent leur âge à con tinuer ce chaos. Eh ! que ne créons-nous des coopé ratives ? Rayon de poésie, rayon de feuilleton, rayon de sociologie, rayon de boxe, rayons innumérables, où l’on vendrait, avec remise et intérêt en clôture de bilan, la manne intellectuelle. On élirait tel raté chef de service ; on nommerait tel incompris directeur d’ex ploitation, et l’on n’omettrait pas les éditeurs que l’on chargerait du débit au détail. On pourrait même édifier un gigantesque asile d'aliénés, où seraient enfermés, à la file indienne : poètes, romanciers et dramaturges ; savants, docteurs et licenciés ; démagogues et députés ; ministres et crânes couronnés ; imprimeurs et libraires ; bref, la tourbe des indésirables qui troublent le monde et poussent l'humanité vers l’abîme. Attendant la consécration de ce rêve, nous supprimerons les bibliothèques — pas dans votre but, Marinetti —', nous fermerons les musées et nous engagerons nos camarades à la modération. Nous préférons la qualité à la quan tité. Il n’est pas besoin d’écrire un livre par mois pour énoncer sa pensée. Plus de méditation et moins d’étalage. Savoir dûment et parler. M. Gonzague Truc écrivait : “ Quel âne va maintenant chanter la beauté d’être un âne ? ” W.K. Les Livres La merveilleuse aventure de Jim Stappleton, par Cyril-Berger (Paris, Edition Française Illustrée). Les livres sont rares qui font penser et qui, la dernière page tournée, laissent une sensation agréable pu hallucinante. Depuis que passa sur nous le fléau des dernières années nous eûmes plus d’une fois l’indicible plaisir de pouvoir rêver après la lecture d’une de ces fortes œuvres, que la guerre a suscitées et qui en sont comme la moisson glorieuse par la part d’humanité qu’elles contiennent et aussi parce qu’elles sont comme le gage d’un demain plus heureux. “ La merveilleuse aventure de Jim Stap pleton ” de Cyril-Berger n’est pas une œuvre de guerre. Nous saurons donc doublement gré à l’auteur d’avoir su nous créer un livre qui fera réfléchir tous ceux dont la raison n’est pas tout-à-fait oblitérée. L’histoire que nous conte ce roman se passe sous le règne des “ Trusters ” qui dominent Londres et le monde tout entier vers l’an 2130. : C’est une infime minorité qui a arraché le