86 ÇA IRA F L’Académie de Marseille l’a appelé à prendre la place de Mistral. La chose en soi n’aurait point d’importance pour nous pour qui les faits et gestes des Acadé mies importent peu, mais Emile Ripert a pro noncé à cette occasion un “ Eloge de Mistral’ ’ qui ne fut point seulement un remarquable discours, mais demeure — imprimé — un merveilleux poème en prose, tout imprégné d’émotion. Des revues, dont nous aurons à parler, sont nées malgré les difficultés matérielles de jour en jour plus lourdes. “Le Feu” d’Emile Sicard brûle encore devant les autels de l’art et de la littérature. Lapolitique, mégère horrible, ne pût l’éteindre. “La Coupe”, que tenaient vaillamment de jeunes mains, ne paraît malheureusement plus. La Revue de Marseille du Dr Casteuil et de Pierre Coutras promet un développement harmonieux. Les Concerts Classiques, la Société de Musique de Chambre, les Concerts du Majestic donnent une musique classique et classée ; nous signalerons seulement les efforts tentés pour faire participer la musique à la sensibilité nôtre. Décdat de Séverac n’est presque pas joué. A peine ose-t-on du Debussy ou du Ravel choisis. Je me souviens de l’effroi provoquépar l’éton nant mais adorable feu d’artifice de Strawinsky. Nous manquons ici comme partout, d’auda cieux passionnés qui violentent l’âme des foules. Nos théâtres jouent l’opérette ou le dernier succès d’une tournée. A Tarascon, grande fête, on a “ tourné ” Tartarin. C’est Vilbert qui figurait Tartarin. Des foules étaient accourues des environs et lorsque Vilbert, harnaché comme toute une armée, apparut au perron du cercle, ce fut une immense acclamation. Le cortège où figuraient tous les joyeux héros : Costecalde, l’armurier ; le président Ladevèze ; le commandant Bra- vida ; Bézuquet le pharmacien, fît l’ébahis sement du bon peuple qui ne demande qu’à rire. Un comité organise une “ Cour d’Amour Quelques poètes viendront disserter sur des sujets tels que celui-ci : que vaut-il mieux: aimer toute la vie sans en rien obtenir, sa bien-aimée, ou recevoir d'elle un baiser, puis mourir, choisis dans les recueils detensons. Le mouvement régionaliste prend de plus en plus d’ampleur. Un congrès patronné par la F.R.F. s'est tenu le 19 septembre à l’hôtel de la Caisse d'Epargne des Bouches-du-Rhône. Toute la France et jusqu’aux Wallons de Liège avaient envoyé leur adhésion et, la plupart, des représentants. En sus des séances de travail, de belles fêtes furent organisées. “ Lou Pan dou Pécat ” fut joué avec grand succès non seulement à l’Opéra de Marseille, mais à Avignon et Arles. “ Le diable à l’hôtel ou les plaisirs imagi naires ” de M. E. Henriot est une exquise fantaisie sur Aix. La vieille ville somnolente, il est venu la caresser. Elle lui a montré tous les bijoux qui lui restent, ses façades mortes, ses fontaines vives et le charme désuet mais prenant des hôtels et du cours ombragé... sa campagne un peu sèche qui semble une vision classique, il en a savouré la netteté et le dépouillement. “ Les tranchées de Pélisanne ” du poète Paul Souchon, expriment bien la philosophie souriante du Midi. Ces territoriaux oubliés dans la petite cité et qui creusent des tranchées, n’ont pas l’air de croire à une vraie guerre. Il y a trop de soleil, trop de femmes au soleil, trop de soleil au cœur des femmes et des hommes. L’égoïsme se manifeste partout, par tout l'animal humain cherche le bonheur, puisque c’est sa seule raison d’être, même l’ascète ne se prive de joies immédiates que pour en mériter d'éternelles, mais Mr Paul Souchon dépeint avec précision et avec un charmant humor cette bonhomie de l’égoïsme méridional. Léon FRANC.