ÇA IRA ! 113 Quelques directions Plusieurs années avant la guerre déjà, on avait pu voir se dessiner un certain mouvement d'émancipation des masses, que nous craindrions pourtant d’appeler révolutionnaire. Et que ce mouvement n’ait, jusqu’à nos jours, point trouvé d’expression bien forte n’a rien qui nous doit étonner beaucoup. Prolétariat conscient, dans nos pays, est un mot : * le peuple, chez nous, ne vivait pas dans ce qu’on peut appeler “ la misère noire,,, et le bien-être — tout relatif .— dont jouissait la classe des travailleurs, avait endormi en elle l’esprit de révolte et, avec lui, l’espoir d’une révolution pouvant apporter un brin d’équité dans nos rapports sociaux. L’idéalisme de Karl Marx —- pour ne point parler de Bakounine, qu’on s’obstine à vouloir oublier — ne vivait plus que dans les phrases ronflantes, — et creuses, com bien souvent ! — des chefs du parti dit socialiste. Survint la guerre. Nous avons pu constater quelle était la réelle valeur des déclarations les plus solennelles. Et de tout ces grands mots, souvent pris au hasard, dont le socialisme officiel aimait à faire un usage aussi fréquent qu’abusif. Les parlementaires et autres en qui les hommes de pensée libre avait pu mettre quelque espoir, se hâtèrent de jeter aux orties leurs théories les plus sacrées de jadis pour entonner à pleine voix l'hymne de l’union sacrée, et faire ceindre l’épée guerrière à leur idéal révolutionnaire. Les brebis, aveugle ment confiantes en leurs bergers, se laissèrenr très docilement conduire à la boucherie du " champ d'honneur „, et bravement s’entre-canardèrent. Et la guerre finie, l’ivresse passée, le réveil fut terrible, pensez-vous ? Les masses prirent leur revanche ? Mais non, voyons ! De ceux qui ont réellement vécu en première ligne, beaucoup ne sont point revenus. Une mère, par-ci par-là, peut-être, pleure son fils encore... Mais il ne faut pas devenir romanesque : ils sont morts ceux-là ; ce sont “ ceux qui pieusement sont morts pour la patrie ,,, et dont le père exhibe avec vanité les croix de guerre ou de fer, mais s’obstine à ne pas voir la croix de bois. Ce sont ceux enfin dont les fiancées auréolées portent le deuil (au figuré, évidemment), tout en allant danser le dernier tango dans un bar de nuit. Ils sont morts, ceux-là... Requiescant in pace, et qu’on n’en parle plus onc... Et combien n’y en a-t-il pas pour qui la guerre a été une aubaine inespérée i Fils de bourgeois, bel uniforme, force galette envoyé par papa peur le fils qui est “ sous les drapeaux „, succès innom brables auprès des plus jolies femmes... La guerre, en somme, n’était point bien terrible pour ceux-là : ils étaient fils de bourgeois, eux... Et les ouvriers ? Les humbles ? Beau coup l’ont faite, la guerre capitaliste, dans les tranchées boueuses... Mais com bien donc n'ont pas trouvé à " se caser,, dans les fabriques de munitions, dans une de ces usines multiples qui devaient fournir du matériel nécessaire ces armées immenses. Grassement rétribués (alors que les véritables soldats touchaient quelques centimes) ils se mettaient, de temps à autre, en grève pour obtenir une augmentation de salaire, estimant A