ÇA IRA ! 121 Pourquoi, si ma maison est grande assez, si ma chambre est commode et l’hiver à la porte, pourquoi ne pas bénir le mendiant qui passe ? Ami, ma bourse est vide et l’on a bu mon vin. Je ne possède que ma plume et mon papier, la lampe éclairant mon travail, la table où je mange, et ma chaise et mon lit. Mais, entre ! tu verras mes livres, ma famille, tu nous raconteras tes voyages, tes noms, et tu repartiras plus agile. Voilà mon cœur ! tu laisseras ma chair à ses faiblesses, tu maudiras la chair et tu disparaîtras. WiLLY KONINCKX. Soir de Bal Vaste salle. — Lumières — Parquet luisant — Couples nombreux — Figures réjouies. La musique cesse. — Conversation. Un jeune homme s’avance vers une jeune fille. Le jeune homme, veston noir, pantalon de fantaisie, cheveux longs, mine fleurie. La jeune fille, figure régulière, un serre-tête ceint ses cheveux blondoyants, mise avec simplicité mais avec goût. Lui (souriant) : Mademoiselle, oserais-je vous prier de m’accorder une valse ? Elle : Volontiers, monsieur, mais nous avons encore le temps... Lui : J’ai voulu être le premier... Per mettez que je m’assieds à côté de vous. Quelle impression vous fait la soirée ? Il y a beaucoup d’entrain, vous ne trouvez pas ? Elle : Un peu trop même à certains endroits. Lui : Vous croyez ? oui, nous sommes ici pour nous amuser. Elle : Cela dépend comme vous l’en tendez. Lui : En effet, ce qui est amusant pour les uns ne l’est pas nécessairement pour les autres. Pour moi, casser les vitres serait beaucoup plus amusant, mais enfin... Elle : Les jeunes gens ne sont pas sérieux. . Lui : Je vous fais cette impression ? Elle : Non, je ne parle pas seulement de vous, je vous connais à peine. Lui : Moi, je suis moins sérieux à mesure que la nuit avance. Elle : Et que faites-vous pendant la journée ? Lui : Pendant la journée ? Je poursuis mes études et vous ? Elle : Moi, si je vous le disais, vous ririez. Je prépare mon examen pour l’école normale. Lui : Allons donc ? mais je trouve ça très chic au contraire. Moi, je suis féministe, vous savez. Elle : C'est aimable ce que vous dites là. Lui : Oui, le règne de la femme approche. C’est mon opinion, les hommes ne savent plus se con duire. (Les musiciens attaquent la valse).