124 ÇA IRA ! imitation, mais dans leurs qualités intrin sèques d’équilibre, d’harmonie et d’ex pression. Seulement, ces qualités subis saient encore la contrainte d’une forme tyrannique et fausse qui empêchait leur libre épanouissement. En 1919 Jespers consomma la rupture avec le passé et conquit enfin les éléments de son métier expressionniste. Désormais il eut luci dement conscience de ce qu’il n’avait fait que pressentir jusqu’alors. Ce qui frappe dès le premier coup d’œil en contemplant cette série de linos, c’est leur extraordinaire variété, non seulement d’aspect mais aussi d’in spiration. C’est que l’artiste n’a pas voulu publier une collection de gravures d’une tendance uniforme et exécutées toutes à l’aide du même procédé. Il a au contraire voulu donner un témoignage des infinies possibilités de l’expression nisme en réalisant au moyen de la seule ressource des blancs et des noirs six œuvres qui, bien que datant à peu près de la même période, s’imposent cepen dant par des qualités d’ordre entièrement différent. Ce qui démontre que les lois auxquelles nous faisions allusion plus haut sont loin d’être despotiques ou limitatives de la fantaisie et de la person nalité du peintre. Dans la préface que Paul VanOstayen a écrite pour cet album, il a fort bien déterminé le caractère particulier de chacune des planches qu’il contient. Les unes, comme “ Nu „ et “ Le Récom pensé „ , sont purement constructives ; d’autres, “ Les Amoureux „ , “ Fête japonaise „, se haussent jusqu’au lyrisme le plus expressif ; enfin la dernière, “ Improvisation I „ , n’est autre chose que la transposition plastique de la musicalité de l’artiste. A ces différences dans l’attitude qu’il adopte pour réaliser son sujet, et qui dépend en grande partie de son humeur du moment et des influences qui ont prise sur sa sensibilité, il faut encore ajouter le contraste des motifs eux- mêmes. Alors que dans “ Nu „ , par exemple, le sujet est tout à fait acces soire et simplement prétexte à une composition quasi-architecturale, il n’en est pas de même dans “ Fête japonaise „, œuvre objective — bien que d’une objectivité spéciale n’exprimant que le caractère lyrique, l’essence des choses — et où le thème employé conserve toute son importance. La cinquième lino, “ Le Récompensé „, procède à son tour d’une inspiration entièrement opposée à celle des dessins précédents : c’est la représentation esthétique d’un concept politique, mais les valeurs plastiques y restent toutefois prédominantes. Malgré ces divergences et ces con trastes, toutes ces œuvres ont cependant des caractères communs qui donnent à l’ensemble une profonde unité. C’est que l’artiste les marqua toutes de sa puissante individualité. Dans toutes ses manifesta tions, même celles qui paraissent n’avoir entre elles aucun rapport, il affirma un tempérament dont le rythme résonne à travers son œuvre entier. Floris Jespers est un passionné, qui traduit en couleurs ardemment expressives, en courbes voluptueuses les réactions que subit son être au contact de la vie, non pas toute la vie, comme dit le cliché traditionnel, mais l’existence fiévreuse de son époque et l’agitation éperdue de nos complexes humanités modernes. Complaisamment