9 Camarade, Nous constatons avec une profonde inquiétude que l’impressionnant mouvement ouvrier d’unité d’action antifasciste du 12 février n’a pas pris, par la suite, les proportions qu’on pouvait en attendre. Les manifestations récentes, ou celles qui sont prévues pour la période qui vient, ne semblent pas de nature à faire triompher le mot d’ordre « unité d’action », qui avait donné à la journée du 12 sa signification et toute sa portée. Nous ne mettons pas en doute la sincérité de tous ceux qui, à maintes reprises, ont affirmé leur désir de réaliser le rassemblement des forces ouvrières; mais, devant l’absence de résultats, nous sommes amenés à nous demander si cet échec ne provient pas surtout d’une certaine confusion sur le sens précis des mesures proposées de part et d’autre. Nous avons pensé qu’il appartenait aux intellectuels isolés de donner aux personnalités poli tiques et syndicales de la classe ouvrière l’occasion de s’exprimer à ce sujet. Le questionnaire que nous vous adressons ci-joint, et auquel nous vous prions de répondre, a été rédigé sous une forme volontairement rigide, qui s’explique par le souci de dissiper toute équivoque. Nous espérons fermement que la publication et la diffusion des répon ses contribueront, malgré tous les obstacles actuels, à forger la seule arme efficace de lutte contre le fascisme : l’unité d’action du prolétariat. Croyez, Camarade, à nos sentiments révolutionnaires. Le 24 avril : V « La planète sans visa » Un bandit particulièrement dangereux, l’auteur de plus de crimes qu’on n’en saurait énumérer et, de plus, un maniaque de la récidive, un être entre tous sans aveu et sans asile, une véritable plaie dû genre humain, tel est depuis quelques jours le portrait que la grande presse s’ingénie à faire de Léon Trotsky, autorisé il y a un an à résider en France et frappé brusque ment d’un arrêt d’expulsion. Il a suffi que la présence de Trotsky fût signalée aux environs de Paris, pour que pût être détournée sur sa seule personne l’excitation de l’opinion, préparée et déçue par l’imbroglio soigneusement entretenu de l’« affaire Prince » et la mise en cause, très habile, d’une « maffia ». Le roman policier, devenu trop languissant ces derniers jours, trouve à son cours, dans l’épisode de la « villa de Barbizon », un dérivatif précieux. Les quatre « bergers allemands » qui, d’après les journaux, hurlent sans cesse, dressés contre la grille du parc, nous donnent à penser que tous les chiens ne sont pas à l’intérieur; le propriétaire, les journalistes bourgeois, les chauffeurs russes-blancs et les élégantes en automobile pourraient leur