15 Des couteaux pour pleurer et pour ne plus jamais pleurer Des couteaux pour aller à l’assaut du papier à fleurs de l’aube Pour saccager les fondations de la vie blanche et noire comme un pain Des couteaux comme un verre de poison dans l'haleine Comme les bras nus d’un deuil éblouissant Pour veiller l’agonie des déluges ! ■ ' • 1 é Pour connaître la fin de l’absurde. Paul ELUARD. (Illustrations de MAX ERNST) Les manifestations les plus authentiques de l’esprit semblent vulnéra bles grâce à quelque défaut : on s’en débarrasse trop facilement; s’il inter vient le plus léger grief sentimental, on les nie avec mépris ou indifférence. Pour l’effet poétique, la plupart du temps, son peu d’efficacité ne tient pas tellement à la pauvreté des mécanismes qui jouent qu'à sa faiblesse réelle. A la faveur d’un peu d'expérience cette faiblesse devient évidente et la déception toujours renouvelée qui l’accompagne. Elle s’aggrave encore dans la mesure où l’effet poétique se rapproche du plan de l’esthétique. U ne s’agit qu’à de rares exceptions près, de mises en Scène qui donnent l'illu sion d’un contact avec le réel, mais ne rencontrent que le vide. Mais tenant pour réel le fait poétique, si l'on essaye d’en découvrir le sens, voici une orientation nouvelle qui nous éloigne aussitôt de cctlc région stérile que l’esprit s’épuise à féconder. L'objet de la poésie devien drait une connaissance des secrets de l’univers qui nous permettrait d’agir sur les éléments. Des opérations magiques deviendraient possibles. Elles satisferaient réellement ce désir profondément humain du merveilleux, que l'on a trompé par des miracles et à qui l'on doit tout récemment encore le succès de sordides apparitions. Pour tenir compte sérieusement de ce désir, il faut renoncer une fois peur toutes à se contenter de subterfuges. Et la découverte d’un secret si beau soit-il ne devra jamais servir à la transformation facile de toutes choses en objets étonnants — pour le seul plaisir immédiat d'un effet poéti que désormais sans vertu. La réalité de l'élément qui nous livre son secret est bien le lieu d'où il ne faut s’écarter à prix, c’est un point de repère. René MAGRITTE.