40 mît, elle implore. Elle regrette son passé et commence à comprendre que la stabilisation dont le rythme va s’accélérant sans cesse. Au cours des années « 20 » la vieille saleté s’était vue repeinte à neuf. Française donc née maline (puisque le français né malin inventa le vaudeville) la forcenée n’avait que mépris pour la très classique danse sur le non moins classique volcan. Abritée der rière des monceaux d’affiquets et de bimbe loteries, elle jouait aux arts décoratifs. En bordure de Seine, avec des vieux torchis, elle s’essayait à créer un style nouveau. La ministère des fliqueries étrangères, les In valides, leur caserne, leur musée de la gran de vacherie, le très pieux quartier du Gros Caillou en fait et en symbole, limitaient le marais offert aux moustiques de l’esthétis me sur la bourbe de cartons-pâtes, sur des tarabiscotages par trop paludéens la pointol- le avait répandu en photogéniques — mais aussi vains que photogéniques — flots d’ocre une teinture d’iode préventive. Aujourd’hui, elle n’en pourrit pas moins bel et bien, elle qui n’a su construire que des hostelleries, des casinos, des villas, des palaces, des palais faits vraiment de boue et de crachat. Mais (toujours la dialectique de la putréfaction) à cette heure, la voici toute à des petits tra vaux d’agrément sur acier trempé. Elle se sait condamnée. Nouvelle mère Ubu, avant de crever, elle voudrait, par la faim, par le fer et par le feu, tuer tout le monde, le monde qui n’en peut plus, qui n’en veut plus. Les mâles de la pointolle, les coffres-forts â deux pattes jouissent de leur reste. Ils jouissent avec accompagnement de Marseil laise. Un hymne national, il leur faut un hymne national pour se justifier, se donner du cœur au ventre, aller, venir, glapir, éruc ter, menacer, provoquer assassiner. Entre deux décrets-lois, l’opinion publique est priée de s’attendrir sur la bibliothèque de Tournefeuille de rose. Et surtout, prière de ne pas oublier les succès de Tar dieu, au Concours général, du temps qu’il n’était qu’un pucelet de petit requin. Tout autant que les exploits de leur flicaille, tout autant que les matraqua ges et les fusillades, tout autant que les der nières créations des marchands de canons et de gaz asphyxiants, nos squales ministériels apprécient le miel de l’Hymette, la culture classique et les fleurs de rhétorique. Alors vite, vite En robe des champs. M. Delteil, M. Delteil soi-même, M. Delteil soudain res suscité vous convie à descendre au salon dans vos plus agrestes atours, putains des lettres françaises. Ecoutez-le, vous réussirez. Il a su charmer les maquerelles du Prix Fémina Vie Heureuse. Vie heureuse, bon heur de vivre, Encore un instant de bonheur. C’est M. de Montherlant qui soupire, c’est M. de Montherlant qui fait sa Dubarry, après avoir troqué sa robe des champs de bataille contre une robe des champs maro cains, algériens, tunisiens. Entre l’ossuaire de Douaumont et l’Afrique de Lyautey, ses bucoliques gambades l’ont conduit à l’Ecole de guerre. Il y a fait halte pour un bijou de conférence aux professionnels de la tuerie. La France officielle tient à lui rendre sa politesse. On organise une grande séance â la Sorbonne. L’impéralisme se doit bien de couronner son chantre. Nous voici revenus au bon vieux temps du Paradis à Vombrc des épées. Pour sa robe des champs, M. Delteil, lui, a dépecé son œuvre. Cousus de fil blanc, les bouts et morceaux de l’Arlequinade marient, dans une crasseuse harmonie, le francisme ordurier et la bondieuserie fanfaronne. Dès leurs titres et par leurs seuls titres, ils nous édifient ces bouquins dont l’auteur tira tout ce bric et ce brac. Je cite au hasard : Le petit Jésus, Saint-François d 9 Assise, Les poi lus, Jeanne d 9 Arc, le Vert Galant. Sans con teste, pareille anthologie ne peut que deve nir (et au plus vite!) le livre de chevet du colonel de la Rocque. Et d’ailleurs, dans un petit préchi-précha préliminaire, l’éditeur, moraliste de M. Delteil vante ce temps où les notions de bonne foi, de naturel et de santé retrouvent place et honneur en France. Voilà déjà tout un programme, le program me de la maison Grasset et d’autres grosses maisons d’édition, vieilles ou jeunes firmes bien pensantes, bien françaises et surtout bien capitalistes. Dès octobre dernier, dans l’immonde 1934 qui n’était encore qu’un ré pugnant petit 1933, M. Paul Morand sur l’au tel St-Sulpicien des Plons-Nourrit, abjurait la turlupinade pour se convertir à la nécro philie. Avec le zèle du néophyte, il récla mait des « cadavres propres ». La propreté n’était, sans doute, qu’une dernière conces sion à l’anglomanie. Il voulait des cadavres.