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LES PORTES QUI MORDENT
(fragments)
par
TRISTAN TZARA
j’ai laissé le corps qui sous le vent se dévêt à l’intérieur des douves déjà
mal ajusté bien pauvre
crépitement
d
e cerise
se lézarder le long des soupentes et des agricultures crayeuses de glace
d’ardoise de raideur
mal
servile et proverbiale
des ruches montagnardes où les fruits vont vibrer à la soif de pouvoir
j’ai voulu endormir les questions insidieuses
sans poids telles les tombes
à chaque dire avançant les pointes branchues froidement poissonneuses
et glissantes les venins et leurs trajectoires
soupçonnées à peine dégrossies et pourtant hagardes craintes les ten
tacules
pourtant dangereuses de tant de sangliers de tant de projets que la
glace se cassait et fondait sous les rapides remous des bêtes laineu
ses les trains et les forêts lourdes chargées de cargaisons fluviales
j’ai senti le sommeil ordonné rayonnant en pleine glissade matinale
un beau linge rangé sur le sommet de framboise ou les bouts de seins
des femmes aimées par les neiges
amoncelées au long cahotant d’une mémoire en cours
j’ai allumé le feu immobile du désert et si je me sentais vivre ce n’est
qu’en lettres ravies aux sources des ramures de cerfs
aucun souvenir aux cheveux hérissés de mica n’est venu incruster
sa fine fusée
sur le beau corps d’enfant au rire de mer qui s’est entortillé à tout
jamais dans ma solitude de fil
vivants glaçons charriés à oras d’homme l’immémoriale douleur grandie
sur les préaux de soufre
les cris aiguisés sur la meule des louves
les cœurs saccadés sur le brasier d’os de ravins
les tendresses saccagées les tampons des trains les chocs marins amor
tis dans la braise
ce sont des craquelures nouvellement avouées par des tisanes de ciel
qui s’offrent aux secrets des fumées parmi les miasmes des
bateaux désarmés à peine enlevés au soleil
les cadavres se rongent les brandons et en guise d’écume la mer balaie
de la chapelure de charbon de bois