— 18 — SCÈNE II Lefebvre, ayant frappé plusieurs fois sans obtenir de ré ponse, ouvre la porte et passe la tête. — J’entre, patron ? (Il entre). Patron, je n’ai pas perdu ma journée. Voici qui, j’espère, ne vous laissera pas indifférent. Cet après-midi, à Nogent-sur- Marne, j’ai vu des gens s’amuser à mettre en marche deux locomotives garées. Létoile. — Très bien. Lefebvre. — Le jeu n’a pas été aussi drôle que l’imaginaient les bons plaisants parce que les locomotives ont versé dans un fossé. Sinon elles auraient traversé deux maisons, ce qui eût été le comble de la joie pour les farceurs. (Benoît). Il serait temps de comprendre que toute richesse, toute force particu lières contribuent à la richesse et à la force de tous et que c’est s’appauvrir soi-même que de lancer les locomotives dans les rues ou de casser les vitres des wagons quand les trains ont du retard. Létoile. —- Idiot. Va t’asseoir dans la salle d’attente à côté de la femme qui est près de la fenêtre. Empare-toi de son réticule et apporte-moi les lettres qui s’y trouvent. Merci. Lefebvre sort. SCÈNE III Létoile fait un appel téléphonique. Elysées 40-52. (Un temps). Allô ! l’imprimerie Bellègue ? Ici, Létoile. Prenez un papier. Les épreuves me seront appor tées demain soir à six heures. Ecrivez : Au bon vieux temps, dans nos petits villages, quand un habitant avait passé de vie à trépas, le sacristain faisait sonner la cloche de l’église. Pour faire connaître aux habitants l’âge du défunt, il accom pagnait son glas de tintements dont le nombre indiquait l’âge du trépassé et l’on disait : « comme il était vieux. » Actuelle ment, si les sacristains des paroisses des grandes villes sui vaient cette ancienne coutume, nous entendrions bien plus souvent des tintements peu nombreux et nous dirions fréquem ment: « Hélas! comme il était jeune. » On 'meurt jeune main tenant. La faute en est aux conditions de l’existence qui ont changé. Nous nous surmenons ; la vie trop active épuise nos