— 34 Sans doute; et la réflexion de Marc-Aurèle n’est point telle qu’on ne la puisse aisément réfuter. Le calem bour est peu considéré. Par où l’on remarquerait que les cas, où l’on supposait prendre sur le fait cette confusion des mots avec les choses, étaient aussi bien ceux où la confusion déjà menaçait ruine: comme si son défaut seul, et déjà sa fissure retenait notre attention. Notre exigence aussi bien, avec ce défaut, prend un nouvel aspect. VI. FLATTERIES AU LANGAGE. Mire parle, et se laisse parler. Sans effort, il déplace et rapproche ou bien écarte les villes, de l’or les jours ou les nuits. La langue cependant vient à lui fourcher, et nous demandons : « Est-ce bien ce mot qu’il cherchait ? » Quelque auditeur se plaint : « Nous ne nous entendons pas, réplique Mire ; comprenez mieux mes paroles, j’ai voulu dire... » Aussitôt se montrent les mots, et tels que des signes: c’est ou le sens se trouve menacé, ne joue pas, retombe de son haut, de façon que l’on y distingue la pensée d’un côté, de l’autre le mot inerte. Gomme un joueur de ten nis, qui vient de manquer son coup, regarde avec étonne ment un bras, une raquette, tout à l’heure parties de lui, à présent étrangers, et faits d’une matière difficile. L’idée du signe porte, à côté de cet échec et juste à son occasion, la marque d’une con fiance. Elle nous informe que les mots, quoi qu’il en semble — et celui-là même qui vient de décevoir — appartien nent aux idées, qu’il est entre eux une convenance natu relle, qu’ils vont refaire sens. Idée pratique, de défense, et non pas la simple observation que l’on avait pu croire; elle répète: chaque idée a son mot, chaque mot son idée. Un peureux ainsi se dit: « Comme je suis calme, s’est surpre nant comme je suis calme », et s’encourage. Par là se réjoignent les faits qüe tout d’abord l’on opposait. C’est bien parce qu’ils veulent le rendre signe, et sur lui obtenir ce succès, que Gilia et Atlys, à partir du mot qui les déroute, vont imaginer quelque pen sée, dont ce mot ne soit plus que l’apparence; telle est leur défense contre un langage, dangereux ou gênant, où il se