S’IL VOUS PLAIT
ACTE PREMIER
Un salon à 5 heures du soir.
Porte au fond. Fenêtres à droite et à gauche.
Deux fauteuils. Un pouf. Une table basse. Une lampe. Glaces.
Paul : 40 ans, moustache à l'américaine ; courbé, cheveux gris.
Valentine : 25 ans.
François : 27 ans, rasé.
SCÈNE I
Paul. — Je t’aime. (Long baiser).
Valentine. — Un nuage de lait dans une tasse de thé.
Silence.
Paul. — Quelle peine veux-tu que j’aie à choisir entre le
passage des Tropiques et dès que tu ouvres les yeux ces aurores
plus lointaines qui m’éblouissent ? Le phosphore blanc des
lèvres des autres femmes m’avait jusqu’ici rendu l’amour impos
sible. Incertain de te trouver, j’écoutais la pluie des chevelures
heurter les vitres de ma paresse et je n’apercevais au loin que
le bouillonnement de l’air mécanique. Il faut avouer que je me
suis longtemps laissé prendre aux trompeuses altercations de
ce couple rigide : le réverbère et le ruisseau.
Valentine. — Parle sans crainte. Çes mots que tu vas dire,
je les connais, mais qu’importe! Voici que notre vie monte
lentement avec tes yeux qui me regardent et qui m’oublient. Tu
vas encore me bercer de souviens-toi, te souviens-tu ?
Paul. — Il faut se tenir à une certaine distance du mur pour
éveiller l’écho. Avec tous ceux que nous aimons, l’espoir est
d’arriver les bras tendus à entourer le tronc de cet arbre supra-
terrestre.