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Valentine. — Les mille et une nuits se fondent dans l’une
des nôtres. J’ai rêvé que nous nous noyions.
Paul. — Il y a longtemps que la charmante statue qui do
mine la Tour Saint-Jacques a laissé tomber la couronne d’im
mortelles qu’elle tenait à la main... Comment te plais-tu dans
ton nouvel appartement ?
Valentine. — Le bureau de mon mari donne sur le Jardin
du Palais-Royal.
Paul. — Ah oui ! le jeu de barres.
Valentine. — Méchant. Et ces miettes de pain aux oiseaux :
la solitude ? Les contrées de l’imagination sont d’un vaste !
Paul, surprenant dans la glace un de ses propres jeux de
physionomie. — C’est très justement qu’on a comparé certains
regards à l’éclair : ils font apparaître les mêmes branches bri
sées, les mêmes jeunes filles blondes appuyées à des meubles
noirs... Tu es plus belle qu’elles.
Valentine. — Je sais. Tu aimes les châtaignes étincelantes
qui se fondent dans mes cheveux.
Silence.
Paul. — L’as-tu entendu rentrer ?
Valentine. — La morale courante; on pense à l’eau courante.
Paul. — Le charme est dans cette chanson liquide admi
rable, l’épellation des enfants du catéchisme. Au besoin, de
quoi parlez-vous ?
Valentine. — Unepatience d’ange. J’ai une patience d’ange.
11 louerait une villa, un pied-à-terre pour la saison. Beaucoup
de lierre. Comme les autres hommes, il est tour à tour l’esclave
de sa fatigue et de sa joie. (Arrangeant un pli de sa robe.) Ma
robe te plaît ? (Il s’approche.)
Paul. — La boîte des bras à l’intérieur de peluche bleue.
Valentine. — Amour.
Paul. — La chair ou les perles. Scaphandrier dans les ondes
de cristal. Tout ce qui tient à un fil.
Valentine. — Le paradis commence où bon nous semble.
Le jour gris ardoise a des cornes d’autos bleues, la nuit on vole
sur une palme argentée.
Paul. — Que fais-tu demain ?
Valentine. — Les grands magasins seront ouverts : la jeu
nesse de tant de femmes. v
Paul. — A l’inspecteur qui se tient debout près de la porte :
< L’ascenseur, Monsieur, s’il vous plaît ? »