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Valentine. — Regarde moi et je croirai aux tristesses de
chaque oui, aux réveils pénibles comme le sable.
Paul. — J’ai le droit de te mentir.
Valentine. — J’ai vu dans chaque reflet mon image et j’ai
peur de ne pas te croire. Tu mens ? Et je veux que tu me
dises non.
Paul. — A quoi bon ! Tu sais bien qu’il faut que tu souffres.
Un jour, une heure, comme un arbre isolé dans la campagne de
ton enfance, vaut bien tous ces mois lointains qui ne sont que
demain. Le doute s’appuie doucement sur toi et tu l’aban
donneras comme une ingrate.
Valentine. — Je vais retrouver l’air et le froid et je saurai
enfin que tu n’es plus là.
Paul. — Je ne suis sincère que quand je puis te mentir. Les
paroles que tu aimes, je les sais par cœur.
Valentine. — Parle, je t’en supplie. Chaque silence dévore
nos minutes. Mon cœur bat comme à l’arrivée des trains. Je
suis la route de mes rêves. Le but est tout proche. Nous n’al
lons pas tarder à nous séparer et le sommeil s’étend autour
de nous.
Paul. — Ecoute...
Valentine. —Tu souris...
Paul. — Mon sourire, je ne puis le fuir. 11 s’impose à mo
comme un songe.
Valentine. — Est-ce que nous savons pourquoi je souffre ?
Je ne sais même pourquoi je tremble. J’ai peur. Tu m’écoutes ?
Paul, sec. — Oui, parfaitement.
Valentine. — Je voulais te dire...
Paul, même jeu. — Quoi ?
Valentine. — Tu sais. Pourras-tu souvent venir nous voir?
Paul, même jeu. — Je ne sais pas. Nous verrons.
Valentine. — Je voudrais te quitter tout de suite et ne plus
entendre tes paroles qui tombent lourdement sur moi. Le bruit
de tes pas me fait mal.
Paul. — Tu es si loin - !
Valentine. — Je suis près de toi comme la terre.
Paul. — Il faut s’éloigner et ne pas regarder derrière soi.
Il s’agit de bien autre chose. La tendresse ne nous appartient
pas : c’est ce vague brouillard qui ne suffit pas à cacher le sang
qui coule dans nos veines et la souffrance de nos mains.