L’ŒUF DUR 5 0 les moments inestimables, Tous les moments de la journée, Instants fuyants et impalpables Qu'on n'a jamais pu arrêter. Ce que je fus ? Ce que je suis ? Instants hideux, minutes belles, Qu'importe cela est fini : Je meurs d'une mort continuelle Regrets de ce qu'on a pas fait, Remords des jouissances manquées, Etreinte, angoisse du jamais, Serrement de cœur du passé C'est comme sur les quais des gares Quand l'être cher s'en est parti Et que l'affreux remords s'empare De notre cœur endolori. Remords bienfaisants, salutaires Des beaux désirs inassouvis, Sanglots sur la mort, ô misère D'avoir perdu un peu de vie... ! Hégêsias a peut-être raison, Hommes coupez vos sexes forts ! Femmes frappez vos flancs féconds Pour que-nous délivre la mort ! Mais il est peut-être plus beau De travailler dans le néant Et rejettant les idéaux Toujours de chercher cependant Car il est beau, malgré la mort Toujours suspendue sur nos têtes, Vers aucun but de faire effort N'envisageant pas de conquête Dans le temple des vieux dieux morts Où nul écho ne vibre plus Mes compagnons sanglottent encor Sur le passé qu'ils ont perdu !