L’ŒUF DUR 2 ~ 7 Abor)nez-vou$ Trouvez-pou? de? Aboppé? tandis que son âme. craignait d’inspirer un désir ardent à la gente soubrette qui venait certainement de Levallois-Perret. Simone parut et dit : « Quelle merveilleuse idée ! Je voulais justement aller au bois de Boulogne (il ne savait pas pourquoi elle ajoutait toujours, de Boulogne), mais je n’avais personne pour m’y distraire. Attendez-moi un instant. Je vais changer de robe et nous sortirons ensemble. Voulez-vous ? » Puis elle disparut. Quand ils arrivèrent près du lac, elle tint à y essayer quelque nage. Elle rama. Pierre la regardait. Tête nue, blonde, dents serrées, son torse harmonieusement rythmé, elle lui plaisait. Mais, silencieuse, il la détestait. Pour se décider entre l’amour et la haine, il contempla ce qu’il nomma intérieurement « le paysage d’un soir de printemps » ; le soleil mourait lentement à un bout du lac, tandis qu’à l’autre, la lune montait ; le gazon était vert, les arbres perdus dans la brume, l’eau miroitante ; Simone et lui ne lui semblèrent pas un couple laid, et il inventa une complainte qu’il se mit à réciter après avoir arrêté le jeu des rames en posant ses mains sur celles de la jeune fille. Il dit : ■ Et puis il y avait la lune Qui les regardait et qui disait : « En voilà un et en voilà une Qui ne sont pas du tout mal embarqués ». Simone regarda Pierre avec tendresse et lui demanda distrai tement : « De qui sont ces alexandrins ? » et le canot manqua de chavirer. En raccompagnant son amie chez elle, dans le soir tout à fait venu, Pierre se rapprocha d’elle, et la prenant mentalement par la taille, il lui voua en silence un vieux vers : « Si je vous le disais pourtant que je vous aime. » Simone qui lui racontait les petites histoires poétiques d’un camarade qu’elle adorait, énonçait juste à ce moment là : « Mais je n’aime pas les vers libres. » Pierre crut avoir pensé tout haut. Simone lui sembla lointaine ; et quand il fut rentré chez lui, il examina sa conscience avec une scrupuleuse minutie, et voyant qu’il n’aimait plus Simone, il lui parut qu’il pouvait conclure (sur la page où il avait déjà écrit) : Si je m’en vais d’elle, c’est qu’elle n’a Pas les pieds,dans la tête, Et d’un vers libre ne sait pas Reconnaître Un vers qui ne l'est pas. Jean-Pierre Lafarge