UN DEVOIR DE STYLE 13 J’ai retrouvé aussi une paire de sandales hindoues, en cuir, dont l’effet se marie agréablement avec la robe. Et j’ai rencon tré des Arméniens, de vrais Arméniens : les pauvres gens n’ont plus de patrie ; tous ceux qui ont pu s’enfuir sont ici. L’un deux m’a adressé la parole, dans son langage. Je n’ai pas compris. Alors il a recommencé en français : — Avez-vous bien vendu vos tapis ? Ils vendent tous des tapis ! Et ce n’est pas une mauvaise idée. Seulement, je ne saurais reconnaître un Boukhara d’un Scu- tari ou d’un Samarcande. Alors je me suis mis marchand de lacets, tous les soirs, après mon travail. Le public trouve ça tout naturel, à cause de ma robe, et c’est encore un avantage qu’elle me procure. Je suis même devenu membre du syndicat des mar chands de lacets. Mes collègues m’y ont obligé : on ne doit pas vendre les lacets à moins de 6 francs la paire. Mais il ne faut pas aller pour ça dans les quartiers riches :