CELUI QUI N’A PLUS DE NOM 137 depuis des milliers et des milliers de siè cles, s’est installée comme chez elle, et qui sert de port à l’île Florès, la dernière des Açores, vers l’horizon de l’ouest. L’homme songe un instant à la petite barque d’une dizaine de tonnes qu’il garde encore, au bas de la falaise — lui qui jadis a commandé des navires, de grands navi res ! Puis il hausse les épaules : voilà bientôt quinze ans qu’il n’a mis le pied sur ces planches. Le seul vieux matelot qui, de tout son équipage, vit encore avec lui, le détache parfois de ses amarres pour aller faire un tour de pêche. Mais lui, l’an cien capitaine marin, n’aime plus la mer ; elle n’est pas, décidément, la solitude qu’il avait cru, elle n’est qu’une route, une grande route, qui vous ramène invincible ment vers des pays où il y a des villes, une humanité qui fourmille, de la civilisa tion — des souvenirs. Florès, au contraire, reste en dehors de tout, on y est bien caché, perdu à jamais aux regards. Par