138 MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX fois, à l’extrême limite où portent les yeux, on aperçoit la fumée d’un des paquebots qui, d’Espagne, vont à Colon ou à la Vera- Cruz, mais ces paquebots n’arrêtent pas à Florès. Ils font escale à Punta-Delgada de San-Migueb l’île principale, bien plus à l’est... Ainsi l’homme vit seul dans son jardin, dans son beau jardin, qu’il cultive lui-même. Il a un sourire en contemplant ses mains souillées : qui donc aurait pu penser que jadis il était grand parmi les plus grands, qu’on l’appelait « monsei gneur », de cette race qui plane à une telle hauteur au-dessus des mortels, de cette race de sang impérial qu’on nomme « les archiducs » ? Aujourd’hui, nul ne voit plus en lui qu’un jardinier. Il jette un regard de satisfaction paisible sur les dragonniers dont les petites feuilles épaisses et juteu ses sortent déjà des branches tortes, sur les mimosées qui achèvent d’abandonner au vent leur neige d’or, sur les bassins carrés, bordé de rocaille, qui abreuvent