158 MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX Le sort en effet nous fut bienveillant: nous rencontrâmes un ivrogne. « Un ivrogne est, pour les enfants, une source inépuisable de distractions et d’ébau- dissements. C’est là un fait incontestable, bien que je ne puisse concevoir clairement à qu’elle cause il est permis de l’attribuer. Il se peut que ce soit parce que cet état d’euphorie bachique leur est interdit par la prudente sagesse de leurs parents. Mais il est également possible que ce soit parce que les gestes de l’ivrogne sont, si j’ose créer ce mot, imprévoyables. L’ivrogne est soustrait aux influences du monde extérieur, il se fait à lui-même son uni vers, il peuple l’étendue de fantômes heu reux, enfin éprouve l’incommensurable joie d’imaginer qu’il agit et réalise ses chi mères, alors qu’il ne fait qu’en parler. C’est une façon de poète; c’est aussi, lais- sez-moi le suggérer, une façon de révolu tionnaire. « Celui-là marchait, comme il convient,