160 MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX « dez-vous à gauche ! Père, gardez-vous à « droite ! » Mais il ne se gardait ni à gauche ni à droite, il prenait la route comme elle était, dans toute sa largeur, étonné seule ment qu’elle ne fût point plus large en core ; et il allait ! « Il allait vers son but, car il en avait un ! Là-haut, sur les hauteurs de Thiais, il y avait un point vers lequel il se dirigeait, vers lequel il savait qu’il se devait diriger, Un autre cabaret peut-être. Ou bien la maison, l’abri tutélaire qui le recevrait, où il goûterait le repos jusqu’au lendemain. Chaque homme a toujours un but, du moins il le croit. Sans cette heureuse illu sion, il mourrait de désespoir, ou, plus horriblement encore, d’ennui. Il allait donc. Là-bas ! là-bas ! Puis plus près. Encore quelques pas, et il atteindrait le terme du voyage... Cependant il ne nous entendait point, il ne nous écoutait pas. Il n’y avait pour lui rien au monde que son but et les magnifiques illusions de sa cervelle.