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MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
tous ces pauvres bourgeois n’ont plus le
sou, ils marchandent, c’est des râleurs,. Il
faut aller dans les quartiers populaires. La
clientèle ne discute jamais, on voit qu’elle
a de quoi, et, bien souvent, elle m’offre un
verre, par-dessus le marché...
Quand je ne suis pas trop fatigué, rentré
chez moi je me remets à mon ancien mé
tier : je suis, ou plutôt, hélas ! j’étais poète
dada. Je m’en fais gloire. J’estime en effet
que le dadaïsme est l’aboutissement légi
time et nécessaire de notre sublime école
romantique. Qu’est-ce en effet que le roman
tisme : l’avènement de la sensibilité toute
pure en opposition avec les lois dictées
par l’Intelligence, d’un mysticisme sensuel
dédaigneux de l’ordre et delà raison. Com
ment s’exprime la sensibilité? Par des cris.
Et l’extase? Par un transcendantal silence.
Beaucoup de silence, et quelques cris,
telle est mon œuvre : ainsi doivent sauter
les étroites gaines de l’Etre par la libé-