60
MÉMOIRES D’UN DADA BESOGNEUX
ayant pas l’habitude. Mais si on nous avait
élevés autrement...
— Vous pouvez avoir raison, interrompit
le chef de bureau, mais ça ne me regarde
pas.
11 considérait tristement les murs tristes
de cette demeure administrative presque
en ruines, antre obscur et poussiéreux
dont les murailles inquiétantes ont été ré
cemment étayées d’énormes troncs de sa
pin. Ces arbres écorcés, exhalant encore une
petite odeur de résine, produisent, tant il est
vrai que tout dans nos sensations est relatif,
une impression de jeunesse et de fraîcheur.
On leur est reconnaissant d’être là : tout le
reste est si vieux et si laid ! Des trésors pour
tant s’accumulent dans ce triste lieu : tous
les objets arrivant de l’étranger, et dont la
matière est d’un métal dit précieux, doi
vent passer devant le bureau de la garantie
pour y être poinçonnés ; on y voit couler
des cascades d’or, d’argent, de gemmes