5 — 8 L’ŒUF DUR — Je passe Raymond Poincaré qui par sa laideur a déplu aux pauvres gens — Et l’on y voit aussi les portraits de Jaurès, Ravachol et même quelquefois Tolstoï — Au milieu des photos du père, brave mécano, de la mère aux cheveux tirés par derrière, et du fils, charmant petit boy, — Cette largeur d’esprit, je l’ai encore rencontrée chez les parve nus : ils ont des toiles de toutes les écoles et des meubles de toutes les époques, — Mais leurs toiles sont des croûtes, en général, et le plus souvent leurs meubles sont du toc, — Et ainsi leur mobilier et leurs tableaux sont nivelés par l’égalité — De la contrefaçon, du mauvais goût et de la médiocrité. — |J[n autre empereur romain — mais qui, celui-là, ne valait pas bien cher, — A dit pourtant une forte parole le jour qu’il mit un impôt sur les pissotières : — « L’argent n’a pas d’odeur », déclara-t-il à son fils indigné de voir les urinoirs mués en ferme, — Et effectivement, l’argent pourrait sentir la sueur, le sang, la matière fécale et le sperme, — Eh bien, pas du tout, il ne sent rien, mais par contre qu’il est doux au toucher avec son contact froid, — Qui cependant a le don de nous réchauffer les doigts. — Gloire donc à l’argent cordial, souple et inodore — Que dispense aux humains l’obscène Mandragore. — u n troisième empereur romain, le fils du précédent — avait, dit- on, coutume de faire le bien, mais avec trop peu de modestie,— Et chaque fois qu’il ne le faisait pas, il disait : « J’ai perdu ma journée », en latin : diem perdidi. — Celui-là n’était qu’un imbécile et, qui pis est, un sale poseur,— Car c’est une bien vilaine gloire que de faire de l’exhibitionnisme avec son cœur. — Et puis, au fond, pour qu’on soit arrivé à retenir son fameux diem perdidi, — 11 faut bien, j’imagine, qu’il l’ait assez souvent dit. — Et je pense que le temps qu’il prenait à répéter cette formule latine — L’empêchait de faire le Bien, le Mal, et de lever les impôts de son père sur les latrines. —