Ï)ADA R L’OEUF DUR JEAN COCTEAU Fragment du Secret Professionnel Selon toujours ce luxe qui consiste à user sans commentaire de certains termes évidemment interprétés par le lecteur d’une toute autre sorte que par nous, les poètes parlent souvent des anges. Ainsi l’ange se place-t-il juste entre l’humain et l’inhu main. C’est un animal éclatant, charmant, vigoureux, terrible, qui passe du visible à l’invisible avec les puissants raccourcis d’un plongeur, le tonnerre d’ailes de mille pigeons sauvages. La vitesse du mouvement radieux qui le compose empêche de le voir. Si ce mouvement ralentissait, sans doute apparaîtrait- il. C’est alors que Jacob, un vrai lutteur, lui saute dessus. Beau specimen de monstre sportif, la mort, lui demeure incom préhensible. Il étouffe les vivants et leur arrache l’âme sans s’é mouvoir. J’imagine qu’il doit tenir du boxeur, du bateau à voiles. Nous voici loin des hermaphrodites en sucre, aux mains jointes portant ailes d’or et lys, coiffés d’étoiles. Voyez l’ange furieux qui « fond du ciel comme un aigle », l’ange de Delacroix et ces anges qui valurent au Gréco d’être condamné par l’Eglise pour 11e pas leur avoir peint les ailes règlementaires. Nous gardons tous une nostalgie des pages qui manquent aux écritures, relatives à cette chute des anges, à la naissance des géants leur progéniture, au crime de Lucifer, toute une mytho logie chrétienne. A ce propos, M me B., si profondément et, pourrait-on dire, si bourgeoisement versée dans la science de l’Hébreu, me donnait des leçons émouvantes. Ange et angle, dit-elle, sont synonymes en hébreu. La Bible qui n’offre aux profanes qu’une surface d’images grossières, d’anecdotes naïves et parfois