13 L’ŒUF DUR 9 MAURICE DAVID Side-Car Le petit jeu Elle se balançait dans un rocking-chair. Elle s’arrêta posa les pieds sur le bord de la table. — Vous êtes bien silencieux, Jean-Pierre, donnez-moi une Abdullah. Il lui passa une boîte. Pendant qu’elle allumait la cigarette choisie, il répondit : — Oui, mais je crois que j’ai raison, je ne vous connais pas et on ne se parle jamais que lorsqu’il n’y a plus rien à dire parce qu’on se connaît. Elle haussa les épaules et sourit. — Vous êtes stupide. — C’est peut-être plus qu’une opinion, traîna-t-il, et il se remit à songer. Tout à l’heure ils étaient cinq ou six. Elle était entrée décla rant : « J’ai voyagé deux ans pour grandir. Maintenant, je veux aimer, et aimer un de vous. » Aucun n’ose répondre non, ni oui. Sans attendre plus longtemps, elle avait déployé une écharpe de jersey de soie aux tons de mer pour y abandonner la vue des choses. Tous crièrent. — J’aime beaucoup colin-maillard. Mais seul Jean-Pierre avait été pris ; et les autres renvoyés, elle essayait de se faire aimer de lui. Elle fumait. Il la regarda. Elle était assez grande et assez petite, souple de corps, avec des cheveux dorés et des yeux verts, et le nez et la bouche des passeports normaux. Elle interrompit sa songerie. — J’ai la peau veloutée et la chair fondante et ferme.