ÜAOA W.'^ &
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UN FRANC
Revue Mensuelle
NOVEMBRE 1922
FRANCIS CARCO
DRIEU LA ROCHELLE
MAX JACOB
MAURICE DAVID
CAMILLE SCHUWER
FRANCIS GÉRARD
ROBERT HONNERT
MATHIAS LÜBECK
Vers Retrouvés
Avènement d’un Prince décapité
Apéritif
Omphale
Guinguettes et Veuvage
Lait d’Amande.
Anna a Waldighoffen
Deux Romans
Recommandations, par
PIERRE MAC ORLAN, ANDRÉ SALMON
FRANCIS GÉRARD, ROBERT HONNERT
r
I
—
L’OEUF DUR
FRANCIS CARCO
Vers retrouvés
Contre ce ciel trop blanc, trop vide,
Te voilà! Je t’ouvre mes bras.
Tu ris sous mes baisers, tu trembles...
Nous rte nous reconnaissons pas.
Ici, tu n’es jamais venue.
J’ai pourtant souffert de longs jours...
Tu souffrais d’un mal inconnu...
Mais l’amour était-ce l’Amour,
Et non pas l’étrange malaise
Qui nous jeta si longuement
L'un loin de l'autre avec la fièvre
D’un inexprimable tourment?
Ne me dis rien... Je t’ai comprise
Tu sanglotes entre mes bras
Et c’est enfin la bonne crise...
Je ris, tu pleures... Te voilà!
191 4.
L’ŒUF DUR
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DRIEU LA ROCHELLE
Avènement d’un prince décapité
A vingt ans, Régis recevrait la couronne et serait maître
de sa ville. Tel est le sort promis aux hommes par les mirages.
Auparavant, un incident tomba dans une de ses journées
remplies par des lectures monotones. Le désir sortit de sa per-
sonne fragile comme le frelon de la fleur, et la femme, troublée
par sa figure studieuse de jeune nonne, le laissa entrer dans
son lit. Il y eut du gâchis, puis une sorte de rythme vint les
secourir. Plus tard, comme elle le voyait sans aucun vêtement,
elle fit la moue et se détourna vers l’image d’un athlète.
Régis surprit cette comparaison. Il ne sut jamais qu’elle avait
aimé aussi un musicien chétif. Il sentit un point faible et que
c’était une blessure mortelle à son orgueil. Rentré chez lui, il
méditait et doutait de dominer toutes les apparences.
Mais des conspirateurs font irruption dans cette histoire.
Régis se retrouve au milieu d’une cellule claire, nue, dans ses
trois dimensions plus grande que son corps, largement ouverte
sur le ciel. Point de glaces, point de livres. Il s’écrie : « Je suis
ici par ma volonté. »
Régis ne peut étreindre avec ses mains et son esprit que ce
corps dépouillé. Il tâte une dernière fois ses muscles faibles, puis
étend les bras.
Deux années. Un silence harmonieux s’accumule dans ce réduit.
Il tend et détend ses bras. Comme d’un arbre qui cherche la lu-
mière, son tronc tourne autour de ses reins. Ses jambes se plient
et se déplient comme le secret d’un ascenseur. Son nombril
est le centre de mouvements austères qui contraignent la nour-
riture. Ses poumons s’approfondissent et deviennent les outres
d’un dieu souffleur. Son cœur est habité par un jeune manœuvre
qui chante et puise le sang dans ses seaux. Le soleil remplit sa
prison comme un amant Spartiate.
Sous sa peau douce court la menace. Un matin, le geôlier
ouvre la porte. Il offre le bassin plein d’eau froide. Régis se
lève, lui tend les bras. L’autre frappé d’admiration s’y jette.
Régis le serre et l’étrangle. Puis il sort.
Il s’avance dans la rue au milieu de son peuple. Personne ne
le reconnaît, il se perd dans la foule. Il rentre dans son palais.
A ses serviteurs qu’étonne cette résurrection, ordre est donné
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L’ŒUF DUR
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d’ouvrir toutes les fenêtres. Et les persiennes de battre joyeu-
sement. Les passants lèvent la tête, s’arrêtent. Une foule s’amasse
et soudain arrachée à la résignation de son chemin quotidien
réclame à grands cris du nouveau.
Régis traverse, le manteau sur la tête, l’appartement des
glaces, mais il débouche sur le balcon, il se voit dans les deux
yeux du peuple.
Oh ! l’exclamation déchire la foule qui se donne à l’homme.
Il brandit une chaîne qu’il brise ; la corporation des débar-
deurs mesure sa force en un clin d’œil.
Dans l’émerveillement des autres, il se voit tel qu’il est devenu.
Tous les regards se croisent en lui qui grésille et s’allume comme
un lacet sous un verre où le soleil a ricoché.
Oubliés les livres, sauf quelques maximes, le suc même de
la terre, il coule dans ses veines. Régis est prêt à régner sur la
nature humaine, antique forêt qu’il réduit au portique du gym-
nase et à ses multiples combinaisons. Il va bondir de branche
en branche, d’agrès en agrès.
La soumission est prompte. Un remous se creuse dans le
peuple. LTne dalle se découvre où gisent deux cadavres : celui du
geôlier qu’il leur a donné, celui de l’usurpateur qu’ils lui donnent.
Puis les femmes impatientes grimpent sur ce degré pour le mieux
regarder. Il se mire.
Il voit son ventre plat comme un tambour, ses deux bras et
ses deux jambes, longs et tressés, qui peuvent se développer
en tous sens comme les membres multipliés d’un mythe. Et de
tous ses organes, par un sens intérieur, il distingue la complexité.
Il se voit jusqu’à ses épaules qui débordent à droite et à gauche.
Il se voit sans visage. Où est sa tête ? Il n’en a plus. Mais il
sait sa force et que déjà ce lien souple resserre les forces de cette
foule qui plie.
Il a oublié ce visage qui autrefois était pour lui toute son appa-
rence. Il l’opposait, autre miroir et plus trompeur, à un miroir.
Ces jeux de glace étaient compliqués, vicieux, exténuants.
A une illusion, il préfère aujourd’hui une autre illusion. Il ne
sait pas s’il est beau ou laid. La beauté il ne la veut connaître
que chez les autres. Il tient à bout de bras les plus belles formes,
quand se contractent à son approche les femmes, la foule.
« Qu’on brise tous les miroirs. »
L’ŒUF DUR
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MAX JACOB
Apéritif
Les grands spahis tout rouges
confesseurs de diablesses
un soir à Montrouge
m’ont conté leurs prouesses.
« Un jour, dit l’un, le négous
me fit cadeau d’un burnous
et d’un grand plat de couscous.
Ses femmes qui étaient laides
allaient à vélocipèdes. »
L’autre est pour l’autre sexe un cruel mousquetaire.
La taille d’un grenadier
l’allure d’un gabier
les grâces d’un gondolier
ce qu’il faut pour le gibier.
Haut dignitaire de l’adultère
Il nomme les femmes « panthères ».
Mêlons aux feuilles d’automne
les mâles récits du désert :
la coupole des astronomes
luit au loin dans le ciel clair.
Ils commandent deux vermouths :
Les spahis sont gastronomes
Et pour distraire le raout
ils me parlent de Beyrouth
et du grand sultan Mahmoud.
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L’ŒUF DUR
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MAURICE DAVID
Omphale
Le rouet d’Omphale.
Il avait accompagné Suzanne à ses adieux. Elle allait à Gha-
monix concourir pour le saut en ski. Lui invité à Cannes, ne
s’était pas décidé à partir : il craignait de trop envier les religieux
de Saint-Honorat, et cela ne lui paraissait pas désirable, ni, à
cause de ses amies, pur.
Pourtant, entre ses livres, il songeait à des voyages. —■ « Rien
n’est beau comme l’en allée des trains rapides » et il revoyait
sur les quais les bêtes de luxe dans leurs fourrures, toutes rousses
parce qu’il avait plu de l’eau oxygénée sur Paris, souples, un
peu épaisses à côté des grands hommes qui les emmenaient.
Puis les vitres des wagons se décomposaient en plages peuplées
de sable et de sirènes — il caressait la queue des sirènes — ou
en montagnes à précipices dont on effrayerait l’imagination
des femmes pour les pousser à jouer au bridge à leur pied.
— L’invitation au voyage a quelque chose de suranné ; mais
je partirais bien pour me reconnaître partout. Et que non, même !
mais il y a le wagon restaurant, la place retenue et les cactus
des petites gares du sud. Je pars.
Et comme il terminait l’emplissage méthodique de ses valises,
elles sont très légères, en fibre de bois, les vantait-il toujours,
Anne-Marie sonna, entra par la porte ouverte.
— André !
— C’est moi.
— Oui, je sais, j’ai ma licence de langues. Mais vous voulez
quitter Paris ?
Il chercha une longue phrase insolente.
— Pourquoi pas ?
Anne-Marie conspua les valises comme une chatte, et sautant
sur la table, s’y assit tout au bord.
— Voilà ! Et moi qui marie ma sœur dans trois semaines,
moi qui ai à choisir trois robes et à me montrer au Paon-Royal
et au Pré-Catelan, je vais demeurer seule ici.
— Mais vous avez votre mère et vos amies et amis.
— Mes amies ! Elles sont toutes lesbiennes ; c’est très moral,
mais ça me dégoûterait de me déshabiller devant elles chez Poiré.
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Quant à mes jeunes gens, ils sont bêtes et laids ; je risque
d’épouser n’importe lequel d’entre eux. Vous pas.
— Vous ne m’aimez pas ?
— Oui, je vous aime, mais pas à la mairie.
Il posa ses lèvres sur le bout de son pied. Anne-Marie se secoua
pour qu’il ne les y laissât pas, et par indifférence récita :
« Semblables à ces eaux si pures et si belles
Qui coulent sans effort des sources naturelles. »
André avait clos ses valises. Il cria soudain « au revoir » et
courut vers la porte. Mais Anne-Marie y était avant lui.
C’est du Molière, Monsieur, vous n’avez pas à fuir. D’abord,
je sais pourquoi vous partez. Les aloès du Trayas et d’Anthéor
vous tentent. Stupidité. Quand vous étiez petit, vous n’aimiez
pas l’aloès dont votre mère enduisait vos ongles. Vous n’avez
pas le droit d’avoir changé.
— Mais ce ne sont pas des aloès.
— Ne m’interrompez pas ! Je n’ai pas envie de mentir et
vous n’avez même pas mûri vos idées de voyage. Il y a tellement
de trains rapides dans tous les sens maintenant, qu’on n’est jamais
bien sûr d’être parti, puisqu’on peut aussitôt rentrer chez soi.
Ca ne vaut pas la peine, n’est-ce pas ? Accompagnez-moi plutôt
au Vieux-Colombier. On y joue Phèdre, ce soir.
André murmura :
— Omphale...
Elle se sentit surprise, puis comprenant :
— Oui, la rouée... Ecoutez, André, je vous pardonne, mais
je ne veux pas que vous quittiez Paris cet hiver.
Et elle s’avança vers lui, un peu plus petite que lui, s’approcha
beaucoup, lui mit les bras autour du cou, leva son visage très
doucement et lui tendit sa bouche.
— Vous savez, André, je suis une vraie jeune fille. C’est mon
premier baiser. Je serai très gentille, je vous permettrai tout,
absolument tout. Et après, si vous en avez envie, vous vous
marierez avec moi. Taisez-vous. Lisez-moi du Mallarmé.
Alors André, l’ayant installée dans un fauteuil bas, près du
feu de bois, s’accroupit sur un coussin noir à ses pieds et com-
mença à psalmodier :
« Le soleil sur le sable, ô lutteuse endormie
En l'or de tes cheveux, chauffe un bain langoureux. »
Elle avait des cheveux à peine bruns, que la flamme désor-
donnait dans de l’or.
Omphale. Omphale.
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CAMILLE SCHUWER
Guinguettes
Meudon tinte au clairet dimanche les tonnelles
qu’un gobelet Septembre au ciel ivre d’abeilles
l’exauce d’un vin d’or au bois où blanches treilles
feuilles mortes ont l’air d’oiseaux morts sous leurs ailes.
Des jouets et des ris balançoires où voiles
des jupes c’est l’épouse ascend jusqu’aux étoiles
et ses filles là-bas et fiancés s’égaillent
sous les arceaux diminuant et les venelles.
Or au crapaud dont la gueule d’ombre entre-bâille
un ventre inassouvi désir l’époux bataille
pour qu’entre à l’antre où point la fleur toute charnelle
soif une pièce d’or à ses ardeurs pareille.
Et le soir c’est la rose au col fin des bouteilles
automne il se fait tard et frais près des futailles
câlin monte à la gorge ô lundis et conseille
l’assaut des trains chanteurs fleuris d’impériales
où tourne tour Eiffel et fleuve aux étincelles
Paris dont les feux dieux confondent les étoiles.
Veuvage
Je suis victime des liaisons.
Pourquoi, Dieu de Dieu, rattachai-je
la feuille à la branche et la note à l’arpège,
le cheval de cirque au manège,
et la cale du bateau à la calvitie du patron?
A Toulon le train siffle et la sirène gémit,
le colonel avait trois vaches et le soldat pâtit...
Mais pourquoi, déjà forte, portez-vous de l’organdi
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Quel jour viendra où chaque chose aura son contour,
sans compromis avec alentour?
qu’on s’y plongera sans subsumer les rapports,
à cheval sur la substance idéal support,
on dit que toutes les femmes portent des soutien-gorges.
Imaginez d’avoir toujours besoin de sortir ;
qu’on aille au café, j’admets ;
mais authentique anglais insulaire,
jeune et blond, blond, blond,
qu’allez-vous faire de l’empire des mers?
Ah que la terre
nous soit désert,
et que le globe
gonfle ses robes !
J’ai soif de nudité ;
cette femme au soleil,
je me veux ruer sur elle, le cannibale,
je lui gratterai jusqu’au vernis qu’elle a sur les ongles,
j’éclaterai ses soifs de l’homme comme un furoncle,
un kilo de son ;
on dira de moi que j’aime faire les choses à fond ;
c’est nier l’amour, quoi î
Mais comment parler d’amour quand chaque chose a un a en soi »,
réduite et recuite et refrite,
il n’en reste cendre aile de papillon
qu’un papier carbonisé...
N’y échappe pas la lettre d’amour.
Je'rêve de lire un jour sur un journal, en grosses bandes
et grandes lettres :
« Les gabelous ont décidé,
« afin d’apprendre à se connaître,
« de ne plus faire de l’oeil à la contrebande. »
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L’ŒUF DUR
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FRANCIS GÉRARD
Lait d’amande
Le Rhin est un petit ruisseau qui fera de grandes rivières.
On se lasse de boire le fleuve avec un chalumeau : les noyés se
mettent en travers. Le soir, les lampions sont au fond de l’eau
et les poissons, gros papillons de nuit, viennent y brûler leurs
écailles. On entend la musique des deux rives.
Le hasard joint l’amant et l’épouse adultère sur le quai de la
gare. Déjà on clouait le cercueil de leur amour : « Voulez-vous
des pralines, bien-aimé, on les fait maintenant avec le cœur
des passions mortes en un jour. Elles n’écorchent la bouche
que des mauvais anges ». Et lui : « D’où vient ce bracelet vert
comme le matin ? pour qui as-tu mis ta robe grenade et cette
fleur ton sur ton ? » Ils ne s’aiment plus assez pour que ce mal
les blesse ; la douleur tourne court, s’éteint, comme le sang se
change en sirop au théâtre quand on allume.
Sur cette détresse qui fit long feu, il sent qu’elle se dérobe.
Pour la reprendre, il déroule le chapelet des tendres reproches :
en fera-t-elle un collier qu’elle tournera sept fois dans sa bouche ? :
« Dans une fête de nuit, vous m’avez dit : « Passez-moi votre
cœur, je n’ai plus de rouge », je n’ai pas fait attention. Chez
vous, votre mari me trouvait plus pâle. A table, je tournais le
dos à la lumière.
Tout le temps que je restai avec vous, Mathias me glissa chaque
matin un billet sous la porte : « Au bout du fossé, la culbute ».
Pressé de vous rejoindre, je regardais mal, confondant les mots,
je lisais : « Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie ». Quand
le jardinier eut cueilli toutes les roses, il aperçut les champs vides.
Pareillement « Mane Thecel Phares » en lettres de feu dans
notre petite chambre me semblait seulement être de la publicité
lumineuse pour Dieu.
Tout ce que je pensais du soleil le matin, des baisers, des par-
fums, des lianes qui serpentent, du jeu de l’ombre au creux
de votre épaule, je vous l’ai donné, Annie, et me voilà pauvre
et les mains maigres avec un goût triste dans la bouche. »
Ces fourrures, qui ne sont pas pour elle, l’ennuient. « Allons,
dit-elle, tremper nos mains dans le fleuve ». Ils se lavent des
causes passées, se baptisent chacun d’un nouvel amour, mais
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pour d’autres. Leur dernière complicité noie un petit enfant qui
ne demandait rien, elle chante pour adoucir ses derniers moments.
A genoux dans l’herbe, les fleurs poussent entre ses doigts,
elle choisit la plus verte et boit le calice jusqu’à la lie. Ces gestes
indifférents et leur silence consacrent le nouvel état de choses.
Cette fleur coupée, c’est avoir retiré les soies et les dentelles
de leur petite chambre, elle a emporté sa chemise de nuit. Sur les
ruines acquises de leur tendresse une irritante camaraderie,
pas très propre, profite de leur absence de désir et fait triompher
leur curiosité : c’est là qu’elle voulait en venir.
Il frappe dans leur pauvre amour, met sa force et sa rage à
détruire le point sensible et irritant de leur chair, à atteindre
ce qu’il y eut de plus secret, de plus profond dans leur union dis-
jointe, à meurtrir le don qu’ils firent. Le cœur amer, le pauvre
amant, il essaye, en l’étreignant encore, de faire jaillir ce passé
brûlant ; en tordant ses minces poignets il veut faire lever en
elle la révolte : « Quand tu n’étais plus rien dans mes bras,
petite biche tremblante, tu ne t’émouvais que de mes gestes.
Ma fièvre t’importait plus que ton image au fond de mes yeux. »
Mais elle, liane plus souple, le devance et insinue entre la
pierre blanche de la chapelle morte les herbes mauvaises qui
rongeront les murs. Elle déchire les statuettes pétries dans la
chaleur de ses mains. Elle fait revivre jusqu’à frôler son corps
veiné de bleu le désir d’un autre amant, se dissout dans cette
évocation qui la baigne : « Nous ferons, dit-elle, une partie carrée,
vous et votre nouvelle amie, moi avec Gaston. »
Son train passe. « Je suis votre Anne-José qui s’en va ». Il
quitte la gare. Au restaurant de l’hôtel on boit de la musique.
La Tosca, fille de salle, sert les consommations. Au premier
étage, toutes les portes des chambres étaient entr’ouvertes.
Comme il passait, dans chaque chambre une jeune femme quit-
tait la chemise de linon mauve du matin pour passer la chemise
de soie crème du soir. Triste, il ne vit là qu’un hasard, il n’alla
pas voir si au second étage toutes les petites filles entrebâil-
laient leurs portes pour le voir passer, si au troisième les femmes
de chambre l’observaient entre leurs doigts en cachant leur
visage dans les mains. Sa chambre était seule. Il baisa sa bouche
dans la glace. « Je dînerai dans ma chambre. »
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L’ŒUF DUR
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ROBERT HONNERT
Anna à Waldighoffen
Mme Walter, ceinte d’un tablier blanc, les manches troussées
jusqu’au dessus des rides de son coude, vint crier : « Anna,
aide-moi à faire les confitures ». Anna brandit un indicateur et
le De Profiindis : « Je combine des itinéraires pour Wilde quand
il sortira de prison. » — « Tu devrais au moins dénoyauter les
prunes, continua Mme Walter. » — « Je le conduirai en Alsace,
parce que c’est le seul indicateur que je possède ». — Ou au
moins peser le sucre, livre pour livre, comme j’ai toujours fait.
Et je m’en suis bien trouvée. — Nous n’avons pas encore quitté
Londres, soupira Anna. — Oui ou non, demanda Mme Walter,
veux-tu t’occuper des confitures. — Quand elles seront encore
chaudes, je prendrai le pauvre Wilde par la main, pour qu’il
les goûte. — Je te défends de conduire des étrangers à la cuisine,
prononça Mme Walter en étendant les bras. — Elle sortit en
exorcisant l’inconnu. — Anna agita le De Projundis jaune et
l’indicateur brique : Lequel des deux est le plus riche en souf-
france. Dans Wilde, elle s’exprime sous sa forme habituelle ;
les pleurs sèchent à peine sur les pages, le premier venu peut
en être frappé. Rien de plus secrètement déchirant qu’un indi-
cateur. — Mme Walter entr’ouvrit la porte, sans rancune : « Anna,
dit-elle, j’ai pesé le sucre, dix livres ». — Maman, répondit
Anna, je voudrais bien aller à Waldighoffen. — Sa mère ouvrit
les yeux. — Ou à Roppentzmiller. — Pourquoi, demanda
Mme Walter ? — Il y a devant Waldighoffen un gros point noir
qui indique une bifurcation. — Ah ! dit la mère. — Mais je n’irai
jamais à Waldighoffen. — Je l’espère bien, conclut Mme Walter ;
tu me mets en retard avec ta poésie. — Je vais faire fondre mon
sucre. — Anna se leva : « J’ai besoin d’être lyrique, ça me débar-
rassera l’estomac. — O Waldighoffen, village inconnu et bête,
proclama-1-elle, petite gare sans doute fleurie, munie d’une
lampisterie et d’une bascule toute neuve, encombrée de paniers
traînant des paysans, qui sait si mon bonheur, si mon bonheur
n’est pas là, déposé à la consigne. Mon bonheur est en consigne
à Waldighoffen, parce que Waldighoffen est dans l’indicateur ;
ô le miracle des indicateurs. Entouré de collines merveilleuses,
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dans un site féerique, et pourvu de deux hôtels éclairés à l’élec-
tricité, possédant en commun une salle de bain, Waldig'hoffen
se présente comme un centre d’excursion particulièrement
recommandé aux touristes soucieux de confort et de poésie.
— A moins qu’on ne trouve ni hôtel, ni collines, ni salles de bain,
ni poésie. — Ça suffit, dit Anna, je suis lasse de mes déborde-
ments. Un lecteur des Annales, s’il m’entendait, me croirait
folle. J’exprime pourtant le plus naturel goût de l’aventure.
— « Ma confiture cuit, vint annoncer Mme Walter avec soulage-
ment. Maintenant, je n’ai plus qu’à la laisser cuire. — Je suis
revenue de WaldihgofTen, lui confia Anna, les collines ou la plaine
m’ennuyaient également. — Comme tu parles pour ne rien
dire, constata Mme Walter. — Je vais retrouver Oscar Wilde
à Reading. Je le consolerai de la moralité des hommes. Adieu,
je retourne à Reading. — Ah ! soupira Mme Walter, en haussant
les épaules, tu ne sais pas où tu es bien, ma fille.
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L’ŒUF DUR
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MATHIAS LÜBECK
La troisième aventure de Bec-de-Pie
Timothée Ronaldson descendit à terre pour aller boire
quelque chose aux Trois-Pendus. Il était en compagnie du sergent
Beauvisage, dont c’était là le véritable nom, et de Petit-Pied,
dit Pied d’Alouette. Ce dernier était poèteœt d’origine écossaise.
Au détour d’une rue, ils aperçurent un gentilhomme dont l’aspect
était effrayant. Il n’avait ni nez, ni œil droit, et son œil gauche,
mi-fermé, était si profondément enfoncé dans l’orbite qu’on avait
grand’peine à l’y découvrir. Sa bouche sans dents avait les
lèvres très plates, très étalées, mais inégalement, comme celles
des lépreux. Ses oreilles étaient vertes, bien décollées, et coquet-
tement ornées de petites boucles de cuivre. La gauche, surtout,
était à moitié mangée, mais si proprement, si fraîchement,
que c’était bien la partie de son corps la plus appétissante.
Enfin, son crâne, ses tempes et sa nuque étaient absolument
dénués de poils, de même que son visage. Son teint était très
jaune, très sale et très laid. Seuls, ses vêtements magnifiques
et éblouissants attiraient l’œil avec sympathie. « Damné bougre,
dit Timothée (et il cracha sa chique), il est foutre bien capitaine
du Hollandais Volant. »— «Vous ne croyez pas si bien dire, riposta
le gentilhomme d’une voix suave et même je suis à la recherche
d’un gabier. » Ce disant, il les regarda tous trois d’un air équi-
voque. Ils tremblèrent dans leur peau. « Venez, dit-il, venez
boire avec moi. » Mais les autres détalèrent prestement. C’est
alors qu’il se passa une chose extraordinaire. Les habitants de
Saint-Malo en parlent encore avec effroi, et nul n’a jamais pu
expliquer ce phénomène épouvantable et mystérieux.
Tout le monde gendarme !
Le cardinal Gummi se carra dans un coin du wagon : « Ça ne
vous gêne pas que je fume ? » dit-il en allumant un gros cigare.
« Ma foi non », répondit Léonor en souriant ; il remarqua que
le cardinal avait un œil bleu, l’autre vert, et qu’il dissimulait
L’ŒUF DUR
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ce dernier sous un monocle à l’allemande. Léonor sourit de nou-
veau et montra des dents gâtées ; il était très beau, d’une beauté
d’enfant anglais trop grand pour son âge, mais toutes ses dents
étaient gâtées. Le cardinal saisit le sourire. « Je vois ce qui vous
amuse, dit-il ; c’est mon cardinalat. Vous me semblez intelligent ;
c’est pourquoi, malgré mon grand âge et la distance qui nous
sépare, je vous exposerai les circonstances effroyables qui m’inci-
tèrent à entrer dans les ordres. » Il s’arrêta, ravala sa salive
et commença : « J’avais vingt ans et j’étais élève à l’école des
officiers. Très lancé dans le monde, très aimé., j’étais pour ainsi
dire coincé entre un passé déjà orageux et un avenir qu’on me
prédisait très brillant. Ah ! que ne suis-je resté tel ! Mon passé
prenait du terrain et j’en étais très fier, tandis que mon avenir
ne reculait que pour mieux sauter aux cimes, si j’ose dire, des
plus hautes positions, lorsque je fis la connaissance de Mlle de
Quatrecinq. Je l’aimai. Elle m’aima également. Huit jours après
elle m’apprit qu’elle allait être mère. Pleurant de bonheur, je
lui promis le mariage. C’est alors que je sus qu’elle était fiancée
et que la date de son mariage coïncidait avec celle présumée
de l’accouchement. Vous devinez la suite. Ce qui devait arriver
arriva. Le jour du mariage, Ulrique (car c’était son nom) ressentit
les premières douleurs de l’enfantement. J’étais garçon d’hon-
neur. N’écoutant que mon bon naturel, j’avouai tout. Il y eut un
scandale épouvantable. Je tuai en duel le fiancé et, fleur pourrie
avant d’être éclose, Ulrique mourut en mettant au monde un
enfant idiot. La nuit de ce jour, j’eus une illumination, je recou-
vrai la foi et le lendemain me fit prêtre. Aujourd’hui, je suis
cardinal, et personne ne connaît mon étrange destinée. » — « Votre
histoire, dit Léonor, me paraît belle et tragique, en ce sens
qu’elle se rapproche assez de la mienne que je m’en vais vous
conter (son visage semblait éclairé par une flamme intérieure ;
il reprit haleine et parla d’une voix altérée) : Il y avait dans
la Calabre une bande de brigands ; c’était l’effroi des voyageurs
et la terreur des paysans. Lorsqu’ils avaient dévasté les cam-
pagnes et détruit les moissons, ils se retiraient dans leur grotte
et le capitaine disait : « Toni, fais-nous la lecture. » Et Toni
saisissait le grand livre noir qui commençait par ces mots : Il
y avait dans la Calabre une bande de brigands... »
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L’ŒUF DUR
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Recommandations
L’Homme Traqué, par Francis Carco (A. Michel).
Dans ce roman, la bête en cage tourne en rond sur elle-même. Mais ici
la bête ne représente pas le remords, car le remords porte en soi une compa-
raison lucide entre le bien et le mal. Lampieur est livré aux révoltes de son
instinct de conservation. Dans son grand tourment, apparaît l’image déco-
rative du châtiment : la guillotine.
C’est, dans l’œuvre de Carco, ce que j’aime. Ses personnages possèdent
la culture morale qu’ils méritent. Ainsi ils deviennent véritablement des
hommes d’exception. Carco a compris en poète la destinée curieuse de ces
étranges personnages qui vont dans la vie comme des aveugles. Lampieur
est un aveugle et la fille est également aveugle. Tous les deux, comme deux
bêtes sans yeux, ruent dans la cage, lèvent la tête et se raccrochent déses-
pérément à leur instinct pour sentir les effluves du danger.
Pierre Mac Orlan.
Le Secret professionnel, par Jean Cocteau (Fels chez Stock).
Les rubans, les guirlandes sont la sueur du coureur cycliste. Les roses
naissent sous ses pas, mais il vise le but. Que dire d’un champion qui
mettrait tout son effort à transpirer ? C’est pourtant trop souvent l’ambi-
tion des poètes : ils ne veulent pas tant vous déchirer le cœur, vous élever
l’esprit, que le faire joliment ; c’est confondre autour avec alentour. Cocteau
dénonce ces faux tireurs à l’arc qui ne sont que des acteurs déguisés. Les
danseuses qui font des ronds de jambe pour traverser le Rubicon ne
feront pas de bons empereurs. Sa discussion serrée, habile, touche le cœur
noir de la cible. Mais de plus, il est doux de refaire le chemin derrière lui
pour ramasser les roses qui émaillent sa route.
Francis Gérard.
Art Poétique, par Max Jacob (Emile-Paul).
Si j’étais un grand critique sérieux... Mais encore, ces façons nouvelles 1...
Max, qu’il faut admirer, qu’il faut aimer, qu’il faut croire, que veux-tu
du vieux compagnon ? Un grand article sérieux, utile, ou un bouquet de
poète ?... Quelle sottise 1 dira Max, de croire, quand on s’adresse à moi,
que c’est toujours pour me souhaiter bonne fête !
L’Art Poétique de Max Jacob devait être écrit. Annoncé par les œuvres
premières, il n’est pas le résumé de ces œuvres. Max n’écrira jamais rien
de tel. Max qui « enseigne » ici, de la seule façon permise, donne encore
beaucoup à lire entre les lignes. Ouvrons à nouveau ce grand livre du
siècle : Défense de Tartufe. Il contient déjà Y Art Poétique. Le poète se
dirige selon le gouvernement choisi par le mystique en marche vers un exact
catholicisme. Ainsi devient-on classique sans que le classicisme soit postulat
glacé. Mystique, mais prêt à recevoir le baptême, après quoi certains vaga-
bondages lui seraient défendus, Max Jacob écrit en son Tartufe : « Me
permettra-t-on l’art qui... » ? Depuis, notre angélique ami, qu’on n’a pas
vu se dépouiller, a su, et ce lui fut une manière d’enrichissement, se sou-
mettre aux minutieuses pratiques de la dévotion. Il se peut que ni les
messieurs de Paris ni ces Messieurs de Saint-Benoist-sur-Loire ne voient
en Y Art Poétique un manuel de conversion. Mais, quel merveilleuse mesure 1
Quel subtil (et franc 1) instrument de contrôle !... partant : quelle poésie !
André Salmon.
L’ŒUF DUR
11
16
Le Cabinet noir, par Max Jacob (Les Marges).
« La Pornographie, dit Claudine sans amant, c’est l’amour des autres. »
Max Jacob étend le débat : l’art, c’est la vie des autres. Et ce sont les
autres qui devant nous tiennent leur cœur dans leurs mains et le passent
à la ronde pour le faire toucher. Toutes les lettres deviennent de tendres
testaments : leurs mystères, leurs signatures, leurs incompréhensions et
le sens qu’elles donnent aux modes, à l’honneur, aux examens, Max Jacob
le déballe devant nous, écartant la mousse des papiers de soie. Oh ! les jolis
autographes ! Quand Alphonse Daudet nous parle avec rondeur et jovialité,
il veut se mettre à notre niveau : c’est vexant d’être pris pour un imbécile.
Au contraire, Anna Bourdin, Madame veuve Gagelin, Octavie Loiseau,
parlent comme ils sont. Max Jacob n’apparaît pas : il les élève en liberté.
On le sent simplement, au-dessus du théâtre, versant sur eux qui nous
amusent, sa douleur et sa pitié. Francis Gérard.
Jacob Cow, par Jean Paulhan (au Sans Pareil).
— Ou si les mots sont des signes. Soigneuse lucidité de M. Jean Paulhan*
qui s’attache aux trahisons du mot. D’ailleurs, les mots sont-ils des méta-
phores refroidies? Non, le menuisier qui dit de la loi: elle a besoin d’un
coup de rabot, ne cherche pas la métaphore, mais notre défaut d’entente
la crée. Faire connaissance avec Céline et le Kikouyou et avec le tailleur
chinois, c’est apprendre à admirer Paulhan. Robert Honnert.
A la Terrasse, par Léon Baranger (Renaissance du Livre).
Monsieur Poule, qui croit que sa femme le trompe, goûte aux flacons
défendus. Aux Tuileries, les amours ont le cœur sur la main. Une tante,
qui se trouvait là, profite des circonstances. Ce faune bon père de famille
partage équitablement ses pensées entre ses gosses, son bisness et ses explo-
rations nocturnes. Cela fait plaisir de voir un honnête homme peser ses
scrupules (vrais, d’ailleurs, et profonds) en chantant :
Dis-moi, simple fleur des champs,
Quand tu sues des pieds, mets-tu des chaussettes ?
plutôt qu’en faisant voler les ciseaux d’argent du ménage par de petits
garçons équivoques. Francis Gérard.
La place nous manque pour nous étendre aujourd'hui sur
les autres livres. Saluons au passage :
GASTON PICARD : Les Surprises des Sens (Hé-
risson).
JEAN-VICTOR PELLERIN : 32 Décembre (à la
Sirène).
ODILON-JEAN PÉRIER : Notre mère la Ville (Dis-
que Veit).
LUIS DE LA J ARA : Espigas {Madrid).
LISE HIRTZ : Images dans le dos du cocher {Feuilles
libres).
JEHAN DE JEHAY : A la Fantaisie (Chiberre).
Le Gérant : Jean ALBERT-WEIL.
Imprimerie Alençonnaise, 11, rue des Marchsries.
LES ECRITS NOÜYEADX
PUBLIENT CHAQUE MOIS
Gabriele d’Annunzio, Louis Aragon, Alexandre Arnoux, André Billy, Jean-
Richard Bloch, André Breton, Biaise Cendrars, Louis Chadourne, [Paul
Claudel, Jean Cocteau, Colette, Tristan Deràme, Roland Dorgelès, Georges
Duhamel, Léon-Paul Fargue, André Germain, André Gide, Jean Giraudoux,
Max Jacob, Edmond Jaloux, James Joyce, Tristan Klingsor, Valéry Larbaud,
François Mauriac, O.-W. de L. Milosz, Francis de Miomandre, Henry de
Montherlant, Paul Morand, Comtesse de Noailles, Jean Pellerin, Ezra
Pound, Jules Romains, André Salmon, André Suarès, André Spire, Jérôme
-----et Jean Tharaud, Paul Valéry, Gilbert de Voisins, etc.-
Comité i>k Rédaction :
Edmond JALOUX, Valéry LARBAUD, André GERMAIN, Philippe SOUPAULT
•——J- Chez EMILE-PAUL, Frères -4--^—
100f T^ue du Faubourg-Saint-Honoré — PARIS (8•)
Abonnement : 30 francs pour la France et 36 francs pour les autres pays
LE NUMÉRO : 3 FRANCS
ÉDITIONS DE LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE
RUE DE GRENELLE, 3, PARIS, VI' TÉLÉPHONE : FLEURUS 12-27
LA NOUVELLE
REVUE FRANÇAISE
REVUE MENSUELLE DE LITTÉRATURE ET DE CRITIQUE
9e ANNÉE
Directeur : JACQUES RIVIÈRE Secrétaire : JEAN PAULHAN
PARAIT LE PREMIER DE CHAQUE MOIS
CHACUN DE SES NUMÉROS CONTIENT
Un article de critique générale ou de discussion. — Des
poèmes, un roman ou un drame inédits.— Une nouvelle
ou un essai. — De nombreuses notes critiques sur la
littérature, les poèmes, les romans, le théâtre. — Une
revue des revues. — Un meinento bibliographique.
CONDITIONS DE L’ABONNEMENT : Spécimen sur demande
ÉDITION ORDINAIRE : FRANCE : UN AN 38 FR. — SIX MOIS 20 FR.
AUTRES PAYS : UN AN 45 FR. — SIX MOIS 24 FR.
ÉDITION DE LUXE : FRANCE : UN AN 75 FR. AUTRES PAYS : UN AN 90 FR.
PRIX DE VENTE AU NUMÉRO : FRANCE : 4 FR. — AUTRES PAYS : FR. 4,5o